L'histoire :
Cette guerre est dite avoir durée cent ans. La Mariotte en était, et le Genson aussi qui en avait après son cul. Heureusement pour la donzelle, Luce et son ours Martin veillaient : tant qu’il commanderait, Mariotte n’aurait rien à craindre (…). Mariotte s’en alla donc, poursuivant son chemin pour aller puiser de l’eau au puit. Mais voilà qu’elle rencontre encore deux curieux personnages. Un vieil homme d’abord, qui rassembla d’un clin d’œil le seau qu’elle fracassa plus tôt. Puis au puit, une jeune femme – sans doute son aînée – lui raconte une drôle d’histoire. Une histoire de trois. Trois « siérines », trois sœurs, trois cavaliers… L’eau puisée, Mariotte et l’inconnue rentrent de concert. En un petit étang, une noble dame fait sa toilette. Serait-ce une des trois « serpentes » ? Si Mariotte savait le sort qui attend ceux qui en aperçoivent une au bain, elle rigolerait moins ! Sur ce, l’inconnue s’éclipse et Mariotte, esseulée, part la chercher jusqu’en une chapelle voisine. Elle y fait la rencontre d’un beau moine dont elle s’amourache de suite. Alors qu’elle l’approche, le Sieur Noal de la Torneirie apparaît à la porte, montant un destrier noir, le regard terrible. Ce seigneur voisin est marié à la dame – prénommée Carmine – entrevue au bain. Carmine est belle et Noal la garde jalousement (…). Le lendemain, Mariotte, son maître chevalier et l’Anicet parviennent à Montroy la belle. La cité est bâtie sur une île, lourdement fortifiée et grouillante de monde. Parmi les badauds se présentant aux portes, Mariotte retrouve l’inconnue qu’elle croisa au puit. Elle voyage avec une troupe de forains – d’où la présence de l’ours Martin – et joue de ses charmes à l’envie. Autre drôle : le lâche Jacot. Lui souffre d’un tourment remontant à l’enfance : un drame qui vit, l’année où Philippe le Bel s’éteint, sa petite sœur Fanette dévorée par les loups…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si la série n’en a peut-être pas l’apparence, Les compagnons du crépuscule sont plus qu’une simple aventure dessinée, un véritable roman graphique, une fantastique geste médiévale à trois temps ! Le premier volet était historique et réaliste à ses débuts puis basculait soudainement dans l’imaginaire ; le second était résolument fantastique en entier ; ce troisième renoue avec la vraisemblance historique qu’elle romance à l’envie. Trois parties, trois monuments de près de 110 planches chacun (jusqu’à 130 sur ce dernier !), trois compagnons – le chevalier, l’Anicet et la Mariotte – à la fortune diverse. Trois sœurs aussi et une légende : le destin de trois héritières des Malaterre – autrement dit, filles de sirène – aimées par un même chevalier maudit, jalousées pour leurs terres et leur héritage (...). L’histoire est complexe mais amateurs d’Histoire et de fiction se retrouveront pour convenir quelle est passionnante ! François Bourgeon, passé maître en la matière, insuffle à son récit une force peu commune empreinte de sensualité. S’il n’avait convaincu tout à fait sur les deux précédents – trop en retenue, trop fantastique, trop ou pas assez je ne sais quoi, etc. – impossible qu’il ne le fasse enfin. Prévoyez une longue soirée d’une lecture crépitante au coin d’un bon feu, si ce luxe vous est offert. Les compagnons du crépuscule se terminent en un final palpitant, "terrible" ! Une apothéose de feu qui embrase et balaie d’un vent rageur les rêves des ambitieux et des puissants. Près de cent ans de guerre, plus de trois cents pages d’une poésie verbale articulée toute entière autour du destin tragique d’un chevalier maudit, un lâche presque écuyer et une donzelle que l’on sait jolie… Superbe.