L'histoire :
La Guerre de cent ans fut longue et pluvieuse, le soleil même semblant porter le deuil. Sur leur chemin, nos compagnons sont soudainement attaqués, au détour d’un sentier, par une bande de paysans les prenant pour des maraudeurs. Le chevalier et l’Anicet, à cheval, parviennent à s’échapper, mais la Mariotte est laissée derrière. L’Anicet n’a pas pris la peine de l’attendre comme le lui avait enjoint son maître. Malheur à lui si la Mariotte est encore vive ! La Mariotte est vive, en effet, mais peut-être pas pour longtemps. Les gens réclament vengeance – et justice accessoirement. Leur seigneur, afin de ne pas se laisser déborder, finit par acquiescer à leur demande : la Mariotte sera empalée. Une pluie providentielle vient à son secours, lui permettant de s’échapper. Un peu plus loin, la jeune femme est recueillie sur la plage par une vieille femme et une gamine. La vieille récite une drôle de ritournelle à base de chiffres. Une éclipse, une éclipse bleue se prépare. C’est affaire de Bon Dieu et de vieilles gens. C’est ainsi la fin annoncée du peuple légendaire des Dhuards. Que pourrissent leurs carcasses à ses monstruosités !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comme le laisse présager le titre, ce deuxième volet des Compagnons du crépuscule est sans doute le plus fantastique des trois. Après une brève introduction en rapport au maraudage, François Bourgeon fait rapidement basculer l’intrigue autour d’une fin annoncée, celle du légendaire peuple des Dhuards. N’en disons point trop sur ces monstruosités appartenant au passé. Soulignons en revanche que la narration est soutenue tout du long par un chant, une poésie verbale – le chant des « séries » – inspirée prétendument de la tradition orale. Un article en fin d’album y est consacré (en sus de croquis de préparation, de toute beauté !). Toujours est-il que l’ensemble de l’album baigne dans une atmosphère de fin du monde justifiant pleinement le titre de la série. L’Anicet, comme le chevalier, est en retrait et laisse la vedette à la Mariotte. Bourgeon prouve qu’il est maître et aime tout particulièrement la gente féminine. A l’inverse des Passagers du vent (sa précédente réalisation), c’est cette fois une blonde qui est secondée d’une brune. Le trait sensuel de l’artiste épouse et dévoile merveilleusement leurs formes, contribuant pour partie certaine au charme de l’album. Ce récit entre féerie et diablerie s’inscrit naturellement dans la geste médiévale imaginée. Le lecteur trop scrupuleux cherchera vainement à départir le faux du vrai. Peine perdue : il faut se laisser porter par la poésie des lieux illustrés en attendant de reprendre pied lors du Dernier chant des Malaterre…