L'histoire :
En 1863, l'occupation de sa demeure familiale par les troupes nordistes oblige Zabo Murrait à quitter la Nouvelle Orléans. Son petit frère et son père, un riche planteur confédéré, ont été tués, sa mère est morte de chagrin, elle n'a plus rien et part refaire sa vie ailleurs. En premier lieu, elle gagne la paroisse d'un prêtre ami, accompagnée par un nègre et une mule. Là-bas, elle change de tenue et reçoit quelques bons conseils pour la suite de son voyage. Elle en profite pour affranchir le couple d'esclaves au service de sa famille depuis des lustres, avant de repartir, convoyant un colis pour un dénommé Quentin Coustans, à Nottoway. Elle s'y rend sur le Mississipi, en steamboat, et manque à l'arrivée de se faire refuser l'accès de la propriété par la garnison yankee qui l'occupe. Ravi de récupérer son colis – des plaques de verre pour un appareil de photographie – Coustans se révèle un hôte fort charmant, malgré son idéologie progressiste. Il lui propose de l'accompagner pour la suite de son périple vers le nord, pour l'aider à passer les lignes. Mais avant cela, Zabo doit faire bonne figure lors d'une soirée en compagnie d'officiers de l'Union. Dès le lendemain, Zabo a troqué ses robes contre un pantalon blue-jean : les deux compagnons prennent la route, nourrissant leur voyage par des débats artistiques et idéologiques sans fin, à travers des contrées dévastées par la guerre civile. Tous deux se méfient des mauvaises rencontres... et ils ne tardent d'ailleurs pas à éprouver quelques frayeurs...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Evènement ! Un quart de siècle après le 5e et « dernier » tome des Passagers du vent, série cultissîme du 9e art des années 80, l'auteur François Bourgeon a l'(excellente) idée de lui donner une suite. Dans un premier temps, on découvre la Louisiane ravagée par la guerre de sécession, ainsi qu'une une nouvelle héroïne, Zabo, sans trop comprendre le rapport. On jubile néanmoins de retrouver le ton et l'ambiance des Passagers du vent, ainsi qu'un dessin réaliste somptueux (mis à l'honneur par l'écrin grand format de l'éditeur 12 bis). Youpi ! Malgré les années, Bourgeon n'a rien perdu ni de son talent graphique, ni de sa verve : les dialogues sont tout autant raffinés et recherchés (les répliques en créole et en langues étrangères sont traduites en fin d'ouvrage). L'auteur avoue avoir puisé ses sources et son inspiration dans près de 300 bouquins lors de 6 années de préparation. Un tel travail en amont se reporte évidemment dans l'authenticité et la qualité du résultat. On se laisse dès lors porter par le contexte cher à Mark Twain, de steamboat en attaque de brigands, à travers la Louisiane. Il faut attendre la planche 45 pour faire la jonction et comprendre les liens qui unissent cette suite de la série mère : Zabo rejoint enfin Isa, son arrière-grand-mère (elles portent le même prénom d'Isabeau, mais pas le même diminutif) , qui a l'âge canonique de 98 ans et dont les aventures de jeunesse sont narrées dans les 5 tomes des Passagers du vent. Le dernier tiers de l'album se transforme ensuite en un long flashback, remettant Isa au premier plan, à la fin du XVIIIe siècle, à travers un nouveau monde qui se cherche, pour la suite attendue du Bois d'Ebène. Au delà du plaisir de retrouver des héros et un contexte, ce renouveau concrétise les fantasmes les plus fous des nostalgiques de la bande dessinée « classique ». En vétéran artisan, François Bourgeon inflige une baffe magistrale à un 9e art « bobo-isant », montrant au passage que son savoir-faire demeure d'une trempe exceptionnelle.