L'histoire :
Les chemins de l’Atchafalaya n’est pas une BD à proprement parler. Cet ouvrage nous fait découvrir la passionnante partie immergée de l’iceberg de La petite fille Bois-Caïman, suite en diptyque des Passagers du vent de François Bourgeon. Un premier chapitre resitue l’action dans ses deux contextes historiques : d’une part, les débuts de l’insurrection à Saint-Domingue, lors des flashbacks à l’époque d’Isa ; d’autre part, la guerre de sécession qui secoue celle de Zabo. Dans ce cadre, les armes et matériels sont de première importance et font l’objet de nombreuses études. Le second chapitre s’intéresse, toujours sur les deux époques entremêlées, aux lieux (des particularités de la colonie de Saint-Domingue à l’édification de la Nouvelles Orléans en Louisiane ou aux plantations), aux langages (créole et cajun) et au brassage ethnique délicat (certains conflits sont inhérents à la cohabitation entre colons, natifs et esclaves importés). Toujours en marge des interminables et passionnantes explications de Thiébaud, l’ouvrage dévoile de splendides illustrations et lithographies. La minutie de Bourgeon transparait aussi à travers les nombreuses maquettes qu’il réalise pour être le plus exact possible dans ses dessins (le bresbytère et son séjour, Lananette, les maringouins). Enfin, une troisième partie approfondit le cœur du sujet, à savoir la fiction à proprement parler et notamment les deux héroïnes que sont Isa et Zabo. Leurs tenues sont décortiquées, ainsi que la transmission de leurs caractères, pas si éloignés, forgés sur les braises des tragédies et des expériences de vie tumultueuses.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les chantiers d’une aventure, la première étude de Michel Thiébaud portant sur le premier cycle de 5 tomes des Passagers du vent, a été initialement éditée en 1994 (chez Casterman). Aujourd’hui que François Bourgeon nous a gratifié d’une « suite » en diptyque à cette œuvre majeure du 9e art, Thiébaud s’est posé la question de refondre son étude… ou d’en faire une seconde. C’est la seconde option qui a été choisie, aussi bien en raison de la nouvelle masse documentaire potentielle, que parce que les deux œuvres mères portent sur des contextes relativement distincts. Désormais édité (et réédité) chez 12bis, Thiébaud, spécialiste de « la représentation de l’Histoire par l’image », analyse ici de nouveau en profondeur la « méthode Bourgeon » pour parvenir à la conviction que c’est la meilleure pour restituer le passé avec la plus grande exactitude. En préambule, Thiebaud revient aussi sur la motivation de Bourgeon à produire cette suite que plus personne n’attendait. L’envie est sans doute née d’un voyage touristique et d’étude en Louisiane, en 1992, qui permit notamment à l’auteur de se constituer un dictionnaire franco-cajun et d’en rapporter une énorme quantité de clichés (dont bon nombre sont ici reproduits). Les années fastes de cette région se situant au début du siècle suivant, Bourgeon a osé franchir la distance avec le même personnage d’Isa, presque centenaire (elle n’a que 18 ans à la fin du Bois d’ébène. Un gap de 80 ans, qui fait comme un écho à celui de 25 ans séparant le tome 5 des Passagers du vent au premier de la Petite fille Bois-Caïman. Au sortir de cette relecture documentaire d’une immense richesse, une question nous tarabuste : madame Bourgeon voit-elle beaucoup son mari ?
