L'histoire :
A la toute fin du XVIIIème siècle, l'anglais Jonas Wiggs est missionné par la couronne britannique pour approcher et tuer Surcouf, dont les activités de corsaire dans l'Océan indien font tant de mal à la marine de Sa Majesté. Sur les docks de Port-Louis, sur l'île de France (actuelle île Maurice), Wiggs assiste au triomphe que voue la population à chacun des retours de campagne du corsaire. Cette fois, Surcouf a arraisonné et s'est approprié le Triton, un des fleurons de la marine britannique. Le soir, Wiggs tente une approche dans la taverne où l'équipage fait la fête. Il est rapidement identifié comme étranger et doit montrer patte blanche. Il dit s'appeler John J. James, négociant américain. Les fidèles du corsaire lui racontent alors quelques anecdotes sur leur leader. Comment, au large des Seychelles, il a échappé à deux bâtiments anglais, en louvoyant entre les récifs. Pour tempérer cette prouesse, Surcouf lui-même relate ensuite, avec amertume, son passé de négrier. Mais Surcouf n'est pas dupe : plus tard dans la nuit, il pénètre en silence dans la chambre de Wiggs et à la lame de son sabre, il lui extorque quelques autres vérités. Wiggs avoue être anglais et être venu à la demande de la couronne... mais en tant que journaliste, pour enquêter sur sa légende. Plutôt séduit par cette idée, Surcouf lui laisse le bénéfice du doute, mais il le somme de devenir en quelque sorte son biographe officiel. Wiggs accepte, attendant la bonne heure pour accomplir sa mission fatale...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Nourri par les mémoires de famille d'Erick Surcouf, arrière-arrière-arrière-petit-neveu du corsaire et véritable chercheur de trésors, le scénariste Arnaud Delalande continue de relater les aventures du célèbre corsaire à la fin du XVIIIème siècle et début XIXème. Le biais narratif emprunté est celui d'un espion anglais, Jonas Wiggs, infiltré au sein de son équipage dans le but de l'étudier... quoiqu'en réalité de l'éliminer. Ce prisme habile offre le fil rouge principal d'une intrigue au présent, tout en permettant de courts flashbacks d'une ou deux planches. Relatés par des encadrés narratifs, ceux-ci brossent les principales anecdotes et faits d'arme passés du corsaire, au gré des besoins biographiques de Wiggs. Le dessin de Guy Michel, dont l'excellente griffe réaliste n'est plus à prouver, s'appuie certes sur beaucoup d'automatismes, avec des choix de cadrages ou de découpages, voire de finition, parfois un brin négligés... Les contraintes actuelles d'un « marché » instable sont sans doute à imputer à un processus créatif accéléré. Les quelques effets mécaniques de la méthode sont alors rapidement effacés par le souffle véritablement épique des trépidantes aventures du Tigre des Mers. De l'Océan indien à Paris, face à la rigueur des juges ou à la sauvagerie des indigènes de Bornéo, Surcouf se joue de ses ennemis avec courage et intelligence. Pour échapper à ses poursuivants, il zigzague effrontément entre les récifs ou imagine une fieffée ruse nocturne. Il ose aussi des abordages sanglants et périlleux, en mer ou à l'encontre de l'administration versatile. Par amour pour sa malouine Manon, il s'enrichit ; par patriotisme et soif d'aventures, il enrichit la France. Bref, il est adroit, inventif, réglo, charismatique, chanceux et son idéal de liberté séduit un large cercle d'admirateurs... Une véritable ode est ainsi brossée à l'endroit d'un héros de notre Histoire, sans doute à la mesure de la légende.
