L'histoire :
Fernando Villa a beau être un écrivain à succès, il culpabilise de ne pas avoir de réel talent. En effet, il subit littéralement la trame des polars qu’il écrit, étant donné que leur rédaction se déclenche sous forme de transes impromptues et incontrôlables. Or ces récits sont toujours prémonitoires, comme si les âmes des victimes s’exprimaient à travers lui pour établir vérité et vengeance. Pour le moment, seul son éditeur et un vieux pote sont au fait des caractéristiques paranormales de ce phénomène. Ce jour là, il exprime sa déprime avec ses amis dans un bar, sur un quai de la Seine, lorsque retentit une violente explosion. Ses copains s’empressent d’aller voir ce qu’il s’est passé. Un type semble s’être jeté à l’eau et il a explosé. Un bras flotte encore à la surface… Dans le bar, Fernando en a la confirmation : ses yeux viennent de se retourner, une transe vient de se déclencher et il écrit… Il écrit les dernières secondes de Jalil Lamouri, maghrébin transformé en bombe humaine, qui court pour épargner des victimes civiles, emportant à l’eau la bombe cachée dans les replis de sa veste. La police enquête et Fernando décide de les orienter, à partir de ce qu’il a vu, par des coups de fils anonymes afin de ne pas attirer l’attention sur son abracadabrante faculté psy. Mais il se fait toper dans une cabine et il écope d’un interrogatoire musclé…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Polar fantastique et social, Borderline s’appuie sur les pouvoir psy fabuleux d’un écrivain qui subit et rédige, en état de transe, des crimes proches, récents et authentiques. Au cours des trois premiers tomes, le héros Fernando tentait de comprendre et de résoudre ce « super-pouvoir » qu‘il vit comme une malédiction. Dans ce quatrième opus, changement d’orientation : il s’est résigné et il va essayer d’en tirer un autre profit que celui de l’édition lucrative. Pour aider la police, par exemple… Il ne faut longtemps pour que son secret soit éventé et cette nouvelle donne fait évoluer la série vers un schéma classique : le médium qui file un coup de main aux flics dans l’impasse (comme nombre séries TV : Dead zone, Mentalist, Medium, Profiler…). Le scénariste Alexis Robin a néanmoins plus d’un tour dans son sac. D’une part, le mobile du crime prend ici un contrepied astucieux au traditionnel attentat-suicide islamiste (on n’en dira pas plus pour préserver le suspens). D’autre part, les transes de Fernando lui permettent cette fois de relater des séquences d’un crime à rebours dans le temps, des « souvenirs » les plus récents jusqu’à l’exposé originel du meurtre. Cette construction scénaristique rappelle évidemment Memento, le film référence en matière de narration à rebrousse-poil. Enfin, la griffe ultra-réaliste de Nathalie Berr met en scène et anime remarquablement (comme toujours) ce sosie de Jean Reno dans un décor parisien rigoureux et élégant (la place des victoires, le jardin des plantes, la grande Mosquée, le quai des orfèvres, les couloirs du métro…). C’est donc la larme à l’œil qu’on apprend qu’il s’agit du dernier album réalisé par la dessinatrice, dont l’unique défaut est d’aimer le changement. Espérons que Bamboo confie le flambeau à quelqu’un d’autre, car le potentiel de rebondissements pour ce héros attachant est vaste…