interview Bande dessinée

Alexis Robin

©Bamboo édition 2009

Après un thriller fantastique en tant qu’auteur complet, Nathaniel, qui n’a pas rencontré le succès public (et pourtant !), Alexis Robin est revenu en force dans le catalogue Grand Angle de Bamboo, en scénarisant Borderline pour la talentueuse Nathalie Berr. Borderline décline en one-shot les aventures trépidantes d’un écrivain – sosie de Jean Réno – atteint de « somnambulisme littéraire extralucide ». Deux premiers tomes fascinants sont déjà parus, pour une série qu’on espère féconde !
Voir aussi : interview de Nathalie Berr

Réalisée en lien avec l'album Borderline T2
Lieu de l'interview : le cyber-espace

interview menée
par
26 février 2009

Bonjour Alexis ! Pour faire connaissance, peux-tu te présenter… comment en es-tu arrivé à faire de la bande-dessinée ?
Alexis Robin : Comme dirait l'autre, je suis tombé dedans quand j'étais petit. J'ai toujours voulu faire de la BD, grâce (ou à cause !) d'un père qui avait été élevé à Tintin et qui m'a transmis sa passion. J'ai fait l'Institut St Luc de Bruxelles, puis, après un ou deux ans de galères, j'ai publié ma première BD dans la petite collection Tohu-bohu des Humanos (ça s'appelait Si j'ai bonne mémoire). Ce qui ne m'a pas empêché de continuer à galérer ensuite !

Tu as commencé chez Bamboo avec Nathaniel, un thriller fantastique assez prenant… mais qui a le goût de trop peu ! Y aura-t-il un jour une suite ?
AR : J'aurais bien aimé qu'il y ait une suite. C'est comme ça que j'avais conçu cet album : comme le premier épisode d'une série, même si on peut considérer qu'il s'agit d'une histoire complète. Malheureusement, le succès n'a pas été au rendez-vous et aujourd'hui les auteurs sont tenus à des résultats, sous peine de voir leur série s'arrêter prématurément. Ceci dit, je n'en veux pas à mon éditeur, c'est la règle du jeu (j'ai intérêt à être diplomate : il continue à publier mes scénarios !).

© Alexis Robin - storyboard Borderline tome 2 Comment t’es venue cette idée de monstres cachés parmi la population ?
AR : Ce n'est pas moi qui ai eu cette idée ! Elle existe depuis longtemps dans les fictions américaines (dérivée de la parano ambiante dans les années de la guerre froide), depuis L'invasion des profanateurs de sépultures (Don Siegel, 1956), jusqu'à The Faculty (Robert Rodriguez, 1998), en passant par la célèbre série Les envahisseurs (créée par Larry Cohen, à partir de 1967) et qui m'a marqué dans mes jeunes années. D'après moi, il s'agit d'un genre à part entière, auquel j'ai eu envie d'ajouter une touche française, tout en essayant de créer une mythologie originale.

Deuxième série, toujours légèrement fantastique, toujours chez Bamboo : Borderline. Qu’est-ce qui t’a inspiré pour le synopsis de cet écrivain extralucide ?
AR : Pour Borderline, je suis parti sur l'idée d'un homme qui faisait la nuit des choses incroyables, sans s'en souvenir le matin. Après, expliquer que j'en suis venu à un écrivain qui se met à écrire des histoires vraies sans le savoir, c'est difficile. Le processus de création est parfois aussi mystérieux pour nous scénaristes, que pour le lecteur lambda !

© Alexis Robin - storyboard Borderline tome 2Pourrais-tu, toi-même, nous faire le pitch vendeur de la série ?
AR : Le pitch : Fernando n'est pas un très bon écrivain. Jusqu'au jour (ou plutôt la nuit) où il écrit au cours de transes frénétiques des pages et des pages de textes, qu'il découvre à sa grande surprise au matin, n'ayant aucun souvenir de ce qui s'est passé. Ce qu'il ne sait pas encore, c'est que la tragédie décrite dans ces pages est une histoire vraie, que seuls la victime et son bourreau connaissent.

De Nathaniel à Borderline, on sent comme une influence de l’épouvante Stephenkingienne, me trompe-je ?
AR : C'est vrai qu'il fut un temps où j'étais un grand lecteur de Stephen King, même si je m'en suis un peu lassé (je ne suis pas forcément fan de ses fins souvent un peu mégalos). Pour moi, il reste tout de même un maître du genre. Mais si j'ai rencontré sa littérature, c'est qu'avant ça, déjà, c'était le type d'histoires que j'avais envie de lire.

Sinon, quelles sont tes références / inspirations ?
AR : Les séries télé de mon enfance, comme Les envahisseurs déjà cités, La quatrième dimension, mes lectures de la même époque à base de super-héros (je ne me lasse pas du thème des doubles identités et des troubles de la personnalité), Thorgal, puis Moebius, les scénarios de Makyo, le travail d'Hermann... Depuis, j'ai lu plein d'autres choses, mais le mal avait déjà été fait !

Pourquoi ne pas avoir dessiné Borderline toi-même ?
AR : A l'époque, je venais juste de finir le dessin de Nathaniel, et j'attendais de savoir si j'allais pouvoir continuer la série. En proposant Borderline, je me disais que je n'aurais pas le temps de dessiner ce nouveau projet, si par chance j'avais le feu vert pour un second tome de Nathaniel. Dès le début donc, c'était clair pour moi que Borderline serait pour un autre dessinateur.

Et quid du choix de Nathalie Berr : pourquoi toi, pourquoi elle ?
AR : C'est Bamboo qui m'a proposé le travail de Nathalie. Elle terminait sa série chez Albin Michel (La maison Dieu sur un scénario de Rodolphe) et elle cherchait un nouveau projet. Bamboo lui a présenté mon scénario, qui par chance lui a plu. Et voilà ! Dès ses premières pages d'essais, il était évident que le choix était bon.

Comment se passe votre collaboration ?
AR : La collaboration se passe très bien. De mon coté, je fais un story-board complet de l'album (étant dessinateur, c'est plus simple pour moi que d'écrire), que Nathalie interprète à sa façon. Mon story n'est pas figé dans le marbre, il faut qu'elle se sente à l'aise, qu'elle ait sa part de créativité. Du moment que le rythme des cases est respecté, moi, je suis content. D'autant que son dessin est superbe.

Jean Reno (NDLR : le sosie de Fernando, héros de Borderline) t’a-t-il contacté suite à ces deux tomes, ou l’attends-tu de pied ferme ?
AR : Pas de nouvelles de Jean Reno. Je ne sais pas ce qu'il fabrique !

Borderline a tout de la série « au long cours », qui peut proposer un nombre infini d’enquêtes en one-shot… un héros est-il né ?
AR : J'espère qu'un héros est né, oui ! C'est vrai que c'est le principe que je me suis fixé, en me lançant dans ce projet : proposer une histoire complète à chaque tome, à l'ancienne, tout en étant ancré dans notre époque.

Combien de tomes as-tu prévu ? Quelle ambition as-tu quant à l’avenir sur moyen ou long terme de cette série ?
AR : Il y a d'ores et déjà un troisième tome en route, dont je viens de finir le scénario et que Nathalie a commencé à dessiner. Pour la suite, on est dépendant du succès ou non de la série. Mais l'idée, c'est d'en faire autant qu'il est possible, tant que ça marche et que j'ai de l'inspiration. Mon ambition, avec cette série, c'est de toucher à chaque fois à des sujets de société, tout ce qui gangrène le monde moderne. Je sais qu'il y a de quoi faire, cette série a de l'avenir!

En dehors de Borderline et de l’éventuelle suite à Nathaniel, as-tu d’autres projets en cours, à venir, espérés ? (on veut un scoop !)
AR : Oui. D'abord le deuxième tome de La douleur fantôme dont je suis le scénariste, chez Paquet, dessiné par un jeune coréen plein de talent tout juste sorti de l'école : Byun Hye Jun. Puis un album prévu en Mai ou en Juin, dont je suis encore le scénariste. Malo Kerfriden (KGB avec Valérie Mangin chez Soleil, entre autre) est en train de le dessiner. Le titre : Contre la montre. Ça va sortir dans la nouvelle collection Focus de Bamboo.
En tant qu'auteur complet, j'ai un album noir et blanc (ce qu'on appelle un peu à tort, d'après moi, un « roman graphique ») en cours de réalisation pour La boîte à bulle, et dont le titre provisoire est L'inaperçu.
Sinon, pour l'anecdote je dessine avec deux collègues (Benjamin Hofseth et Bertrand Bes, sur des scénarios d'Eric Nieudan) les petites aventures de Prince (de Lu®) distribuées dans les lots de trois paquets.

© Alexis Robin - Voeux 2009Y a-t-il des auteurs (scénariste ou dessinateurs) avec lesquels tu rêverais de bosser ?
AR : Bien sûr, plein ! Avec tous ceux qui ont du talent, ce qui fait une liste trop longue pour les citer ! (Bon, d'accord, c'est une pirouette pour éluder la question !)

Si tu étais un bédien (un habitant de la planète BD), quelles seraient les BD que tu conseillerais aux terriens ?
AR : Je suis fan du Marquis d'Anaon (Vehlmann et Bonhomme), je suis impressionné par Jazz Maynard (Raule et Roger), surtout pour le dessin, je trouve que Le photographe (Lefèvre et Guibert) est un chef-d'œuvre, et je pourrais en citer encore plein !

Es-tu un gros lecteur de BD ?
AR : J'étais un gros lecteur de BD jusqu'à il n'y a pas si longtemps. Il se trouve qu'aujourd'hui, j'ai un peu moins le temps d'en lire ou d'aller en acheter, à mon grand désespoir.

Si tu avais le pouvoir cosmique de te téléporter dans le crâne d’un autre auteur de BD (pour comprendre son ½uvre, sa démarche, ses techniques…), qui irais-tu visiter ?
AR : Je ne voudrais pas paraître imbu de moi-même, mais personne. Je me trouve bien où je suis !

Merci Alexis !

© Alexis Robin - storyboard Borderline tome 2

Malgré le gros mensonge indiqué sous les deux photos d'Alexis, ces dernières sont copyright Bamboo - Laurent Mélikian. Merci pour son aimable autorisation !