L'histoire :
Située en bordure extrême d’une falaise sur la Côte d’Albâtre (dans la Manche), la maison de Madeleine menace de plus en plus de s’écrouler. La situation précaire de cette octogénaire aveugle défraie la chronique médiatique, au point d’attirer jusqu’à elle des hordes de touristes curieux. A bout de nerfs, le maire de Troumesnil est chaque heure prévenu d’un danger imminent… ou d’une catastrophe. Ce jour-là, c’est un nouveau morceau de la falaise qui s’est écroulé sur Churchill, un bouledogue français amateur de chasse au goéland. Cet éboulement dû à l’érosion a créé une sorte d’arche gigantesque au-dessus de la grève. Et forcément, la maison de Madeleine se retrouve à l’extrémité de la péninsule, au-dessus de la pile la plus avancée vers la mer. Le policier municipal voit dans cette tragédie l’occasion d’un nouvel argument pour convaincre Madeleine de quitter sa maison et de partir en Ehpad. Persister à rester habiter là n’est plus dangereux pour elle-même, mais aussi pour les autres. Mais ça ne suffit pas à convaincre Madeleine, qui vient de se faire installer la domotique connectée dernier-cri, par une entreprise américaine. Mais la nuit suivante, la petite Emma, maîtresse de Churchill décide de partir fouiller les blocs de calcaire à la recherche de son chien, pile sous l’arche, alors même que la mer monte et que se prépare un gros orage…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le tome 1 donnait le ton d’une chronique écologique contemporaine sous le prisme de l’humour. L’érosion naturelle des falaises normandes s’accélère sous l’effet du réchauffement climatique… et la maison de Madeleine se retrouve au début de cette suite dans une situation rocambolesque à souhait, dernier vestige perché au bout d’une étroite péninsule à 60 mètres au-dessus de la grève. Bruno Duhamel enfonce le clou de sa fable du monde moderne, en utilisant toujours la gouaille de cette mamie aveugle à fort caractère, qui balance ses punchlines et résiste comme elle le peut aux injonctions de notre belle époque. Malmené dans le premier tome, le personnage du maire se trouve réhabilité, notamment en jouant un second rôle sympathique. Surtout, c’est en s’apercevant de ce qu’on risque de perdre, qu’on se contente de ce qu’on a : par contraste, l’auteur lui glisse un opposant politique facho qui tente de profiter de la situation. Sans avoir l’air d’y toucher, Duhamel brasse ainsi bien des aberrations de notre époque, un peu à la manière du film La crise. Il écorne tour à tour le marketing des croquettes pour chat, les intelligences artificielles qui prévoient trop, ou le bruit de fond politique nauséabond qui utilise les boucs émissaires… Si le résultat est un tantinet rocambolesque, c’est pour apporter la légèreté comique nécessaire et éviter l’écueil du dogmatisme donneur de leçon. Le dessin semi-réaliste – assurément l’un des plus équilibré et esthétique du 9ème art actuel – joue aussi beaucoup sur cette ambiance douce-amère délicatement burlesque, qui va jusqu’à placer un lance-roquette entre les mains de notre adorable mamie rebelle.