L'histoire :
Nous sommes au Nord-Cameroun, en 1965. Tout commence un jour rouge terre, après que les pluies de la veille aient transformé les pistes en dédales boueux. Au volant de sa 2CV, Mr Amiel se rend à l’aéroport en quête d’une « proie » quelconque. Ce jour justement est arrivée une blanche et jeune beauté prénommée Mathilde. L’occasion rêvée pour ce beau parleur de prendre sa revanche sur ce damné camion ophtalmologique qui lui vola un œil. Après présentations et amabilités mielleuses, l’autochtone et instituteur à N’Gaoundéré offre ses services à la demoiselle. Avant de la conduire au « paradis », il l’accompagne d’abord au seul hôtel du coin, tenu par une blanche, Madame Peyrol, et un métis, Jean-Claude Elongh. Visiblement, Amiel n’est pas auprès de tous en odeur de sainteté. Mystérieusement il est moqué « guiteul goteul » et cela intrigue Mathilde. La française s’est embarquée ici dans une aventure pour le moins incertaine. Après de vaines études en philosophie, elle a choisi l’exil suivant en cela les rêves d’Afrique de son ex-petit ami, Clément, qui se languit d’elle à Paris (!). Le blondinet amoureux la regrette tant, qu’il fait à son tour son sac et vient, à son tour, se perdre en les filets de l’inquiétant homme « guiteul goteul »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Difficile de se prononcer après seulement la première partie de ce thriller post-colonial. Après une utile préface aidant à la compréhension d’un contexte méconnu, les Epines du Christ présente un intérêt certain et pourtant tout aussi incertain. Expliquons-nous. Arnaud Floc’h signe un récit de genre bien cadré et original par son cadre, mais qui monte « très » lentement en pression. On ne devine par exemple la signification du titre qu’au terme des ultimes rebondissements. Pas facile, évidemment, de faire passer au lecteur du XXIe siècle, les impressions et réalités qui animaient l’Afrique de ce Nord-Cameroun tout juste émancipé. Cinq ans que la métropole a officiellement levé le camp et cependant de profondes cicatrices et pesanteurs demeurent. Arnaud Floc’h a choisi justement de dessiner lui-même ce titre très personnel (inspiré de son propre vécu). Au moyen d’une colorisation chaude et relativement chargée, il installe une ambiance convaincante et le trait est suffisamment bon pour être expressif. L’exercice est soigné, réussi. La passion de l’auteur transparaît visiblement. Des personnages bien « typés » portent l’ensemble. L’anti-héros de cette aventure criminelle est un borgne vengeur ; le lecteur avisé aura noté qu’il n’est pas le seul dans ce cas. Là réside sûrement l’une des clés de l’histoire. A suivre donc pour un avis plus éclairé après la seconde partie de ce diptyque exotique.