L'histoire :
Lassés de se livrer une guerre vaine depuis des lustres, Dieu et Diable se sont lancé un défi dantesque. Ils vont jouer « la partie » à quitte ou double, sur une petite semaine. Chacun met sur le ring – la ville de San Francisco – son meilleur élément et le gagnant des deux champions décidera du sort de l’humanité. Côté paradis, c’est la douce Zofia qui est choisie par Dieu ; côté enfer, c’est le machiavélique Lucas. La seule chose qui n’était pas trop prévue, c’est que ces deux là se rencontrent dans leurs incarnations terrestres et tombent sincèrement amoureux l’un de l’autre. Les premiers jours, ils ignorent chacun la nature de l’autre : il leur semble être tous deux des humains qui sont tombés sur leur « bachert », c'est-à-dire leur moitié prédestinée par Dieu. Lucas en vient même à saborder le plan immobilier démoniaque qu’il avait mis au point pour que le monde sombre dans le chaos. Ce faisant, il révèle sa vraie nature à Zofia qui s’enfuit, épouvantée d’être tombée sous le charme de son pire ennemi. Depuis son sous-sol infernal et putride, le diable fulmine contre ce traitre qu’il considérait comme son fils et qui gâche la mission la plus importante de la nuit des temps. Il autorise qu’on « lâche les chiens » sur lui, pour le remettre dans le droit chemin…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Eric Corbeyran et Espé livre ici la seconde et dernière partie de leur diptyque, adaptation du roman éponyme de Marc Levy. Plus encore que sur le premier tome, le lecteur se laisse ici gentiment bercer par une comédie romantique très fleur bleue… et pas aussi métaphysique / ésotérique qu’elle pourrait sembler. D’une part, nos forces supérieures sont incarnées sous des apparences très terre à terre et manichéennes : Dieu a son building céleste et son administration bien proprette, tandis que le diable chapote depuis sa cave obscure une sorte de mafia conspiratrice, avec des sbires aux tronches patibulaires. D’autre part et en marge de leur guéguerre, l’Amour est ici la problématique et la solution de toutes choses. L’Amour avec un grand A, celui là-même qui fait tout finir heureux avec une famille nombreuse (et ce n’est pas qu’une métaphore). Lors d’un soliloque rêveur, pépère Dieu, en costard débraillé, depuis le sommet de son building, résume assez bien la tonalité des débats : est-ce vraiment lui qui a inventé l’amour, ou ne serait-ce pas plus l’amour qui l’aurait créé, lui ? Une réflexion digne de Shakespeare qui aurait fusionné avec Nietsche, qui aurait fusionné avec Barbra Cartland. Trêve de sarcasmes, l’intrigue fort correctement rythmée met essentiellement en scène Lucas et Zofia, de rendez-vous galants en dîner amoureux, tiraillés par leurs sentiments réciproques, eux-mêmes peu en accord avec leurs natures respectives. Vont-ils réussir à s’aimer ? Que va-t-il advenir du défi initial et donc du sort de l’humanité ? Ce diptyque romantique comblera d’autant plus facilement le lectorat sensible au registre (surtout féminin ?), que les dessins d’Espé, complice multirécidiviste de Corbeyran, sont soignés, variés et impeccablement cadrés.