L'histoire :
Edgar Saint Prieux, écrivain en mal d'inspiration, débarque de nuit, sous une pluie battante, dans une auberge au nom angoissant : L'auberge du bout du monde. L'établissement est désert. Seul son gérant, un homme malade et affaibli, vit ici, au beau milieu d'un pays vidé de ses habitants. De nombreuses années auparavant, des événements ont précipités la fuite des paysans, loin de ces terres. L'aubergiste raconte, l'écrivain note. Il y a cinquante ans, une femme du pays a été retrouvée morte, près de la berge, assassinée pour une raison inconnue. Sa petite fille qui l'accompagnait a disparu. L'aubergiste d'alors, père de l'une et époux de l'autre, accusa le choc en s'adonnant à l'alcool. Bien des années après, sa fille réapparaît subitement, muette et doué d'un étrange pouvoir de guérison sur les bêtes. Sa réputation grandissant, les gens du village sont de plus en plus nombreux à lui amener veaux, vaches et cochons mal en points. Mais si ce don ravi certains, il lui vaut aussi l'animosité d'autres, qui voient dans ce pouvoir quelque maléfice pas très catholique…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette fable contée par un homme dans une ambiance obscure, de nuit et par un temps abominable, n'est pas sans rappeler Algernon Woodcock, de Gallié et Sorel. Elle se distingue par de nombreuses qualités, qui font d'elle une découverte fort agréable. Le ton adopté par Tiburce Oger, plutôt littéraire, est celui des nouvelles fantastiques du XIXe, dans le genre Edgar Poe ou, un peu plus tard, Lovecraft. Il apporte une touche surannée qui ajoute à l'atmosphère ensorcelante de cette histoire, la rendant encore plus inquiétante et prenante. L'auberge du bout du monde franchit la frontière entre le réel et le fantastique de façon subtile, intriguant le lecteur justement parce qu'elle n'en fait pas trop. Le dessin de Patrick Prugne, qu'on a pu voir auparavant à l'œuvre sur Fol, chez le même éditeur, est particulièrement efficace pour poser cette atmosphère de bout du monde. On ressent presque physiquement le froid, la boue et le vent lorsqu'il s'attache à peindre des scènes nocturnes, en plein air.
