L'histoire :
Le tueur gare sa voiture dans un quartier résidentiel. Il observe alentour, froid et calculateur. Il repère une voiture. Deux autres flingueurs se garent à proximité et attendent. Il enfile ses gants et entre dans un pavillon. Personne. Peu importe, lui aussi est patient. Calmement, il monte à l’étage, entrouvre la fenêtre grinçante de la salle de bain, revient au rez-de-chaussée, dans le bureau. Son regard se pose sur un cadre, où posent une femme et une petite fille… Il vérifie le tiroir : un flingue, une lettre. Cette dernière parle d’une enquête presque terminée, d’un dossier caché, d’une famille à l’abri. Le tueur prend un bouquin dans la bibliothèque et s’installe dans un fauteuil. Plus tard, il fait nuit, le journaliste Pierre Brémond rentre chez lui. Le tueur l’accueille sans rien négliger : il le fouille, mains sur la tête, et lui demande de s’installer à son bureau. Une longue conversation s’engage, la dernière pour Brémond. Le tueur veut savoir où se trouve le « dossier ». A priori, c’est au même endroit que la famille de Brémond. Ce dernier refuse de parler. Le tueur lui offre alors un deal : contre la photo du cadre, il propose de flinguer Alexandre Alberti, financier international visé par l’enquête, et commanditaire du contrat…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Amateurs de polars ciselés, vous allez être servis ! Le premier opus de Malone installe d’emblée une ambiance pesante, entrant dans le vif du sujet à travers une introduction muette mais visuellement parlante. Puis un long dialogue, dialectique et rhétorique, de haut vol, s’installe entre le tueur et sa victime… Sur le même principe narratif, Michel Rio alterne ainsi habilement séquences visuelles et éclaircissements volubiles, tout au long de ce premier volet palpitant. L’écrivain adapte en fait les aventures de son propre héros, Francis Malone (créé en 1997 aux éditions du Seuil). De fait, il prouve dès sa première œuvre de bande dessinée, un certain talent de scénariste pour le 9e art ! Le dessin réaliste de Pierpaolo Rovero transmet à merveille cette intensité, avec des choix de cadrages impeccables et une mise en couleur idéalement terne (par Fabio Pacciuli), malgré un trait légèrement inégal dans certaines cases (ex : Durant, planche 44). Le lecteur assiste à une jolie leçon : comment monter la tension à son paroxysme dans des unités de lieu et de temps très restreints. En effet, l’intégralité de l’intrigue se déroule dans le pavillon de Brémond, dans la propriété d’Alberti, puis autour d’une maisonnette de campagne. Paradoxalement, le héros Malone n’apparait qu’à la 44e planche (sur 46 !). Inversement, l’intrigue s’intéresse donc au caractère froid et impassible du tueur professionnel, qui en rappelle un autre dans la même collection (le bien-nommé Tueur). Monstre d’intelligence, de rigueur et d’adresse, cet anti héros sans nom est régi par une logique implacable. La mise en scène méthodique de ses exécutions fait tout le sel de cet épisode pilote, réjouissant. On s’attend dès lors à ce que Malone s’emploie dans le second tome à trouver la faille de cette machine à tuer. Si la fillette semble correspondre au rôle, cela promet d’avance une captivante démonstration…