L'histoire :
Au centre hospitalier de Lyon sud, Ferrouze discute avec une collègue et amie. Elles font leurs projets de vacances. Si l’amie va en Bretagne, Ferrouze, elle, va partir deux semaines au « bled ». Elle n’y amènera pas son compagnon, Simon, qu’elle n’a pas encore présenté à sa famille métropolitaine. Elle n’est pas retournée en Algérie depuis très longtemps, elle a peur de ne pas reconnaître les membres de sa famille. En discutant, les deux jeunes femmes passent devant l’accueil où Sélim et Hassan regardent le match Allemagne - Algérie. L’Algérie perd en ayant mené, mais les deux jeunes gens sont fiers de cette équipe aux deux tiers composée de binationaux, formés en France. Dans la rue, Hassan et Sélim, heureux, retombent vite sur terre : ils sont soumis à un contrôle de police. Un contrôle au faciès, bien entendu… Lounès, lui, charge sa voiture jusqu’au-dessus du toit. Les enfants se chamaillent pour porter les valises. Sa femme et leurs trois enfants prendront l’avion, lui va traverser en bateau, et faire la connaissance du jeune Sélim, qui lui aussi va à Sétif.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La collection Sociorama de Casterman, qui lie auteurs de BD et sociologues de terrain, présentent ce mois-ci deux nouveaux petits formats, La petite mosquée dans la cité et ce Vacances au bled. Dans les deux cas, on pose la question de l’identité, du vivre ensemble dans la cité… Mais ici, le phénomène est encore plus complexe et intéressant : considéré comme une espèce d’Eden, de paradis perdu, de lieu magique où l’on vient se ressourcer, le « bled » est aussi ce lieu mythique où les maghrébins français ne se sentent pas vraiment accueillis, par complètement chez eux. C’est ce paradoxe sur lequel Jennifer Bidet travaille, ces binationaux qui ne sont considérés chez eux ni en France, ni en Algérie. Bien aidé par le dessin simple et enveloppant de Singeon, la jeune femme nous dresse le portrait de vies parallèles où les protagonistes se cherchent en permanence, sans vraiment se trouver. La faute au regard des autres, qui les considèrent comme des arabes étrangers en France, et des Français parvenus en Algérie. Doublement déracinés, rejetés des deux côtés, les Ferrouze, Lounès, Sélim doivent trouver leur place dans deux sociétés qui ne les acceptent pas comme ils sont, tout simplement avec une histoire familiale complexe. Le scénar est bien mené, sympa, drôle et intelligent à la fois. Le trait de Singeon, précis et fin, donne une vraie tendresse au récit. C’est simple et beau. Comme la vie, si elle n’était pas compliquée…