L'histoire :
C’est mercredi, un mercredi de septembre, quand il fait encore chaud et doux. On se demande bien pourquoi, dans les années 50, personne ne parle encore de l’été indien, mais plutôt d’une belle arrière-saison qui doit annoncer un hiver pur et rude, d’après les concierges qui parlent toujours d’avant-guerre (dans la vie tout se paye, Noël au balcon, Pâques au tison, et toute cette sorte de choses…). Les mômes qui habitent place des Fêtes, dans le 19ème arrondissement, descendent tous vers la zone, traverse le boulevard Serrurier, attendent d’autres mondes qui, comme eux, veulent voir ce qui se prépare sur les fortifs. Le lieu de rendez-vous, c’est le boulevard d’Algérie. Là, finit Paris. Derrière l’ultime trottoir se trouve une sorte de jungle, moitié glaise, moitié talus pelés, à l’abandon. Une population de sans-logis, gitans, arabes, clodos, la foule des indésirables s’y est installée : voici ce qu’on appelle les fortifs. Au-delà, banlieue… pour les gosses du coin, en ce temps-là, c’est le Far-West. C’est donc mercredi. Les écoles sont encore fermées, derniers moments de vacances avant l’automne et la monotonie de la pension, l’angoisse du rien-foutre pour les plus grands. Les trop grands s’enfuient déjà depuis longtemps en travaillant pour gagner le vin Primior et les lithinés du Dr. Gustin, pour être libre le samedi à midi et vendre l’Huma, le lendemain, jour du Seigneur, quand d’autres boivent la recette…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Véritable pilier du rock n’ roll made in France et figure du cinéma, on ne présente plus Claude Moine alias Eddy Mitchell. Avec Des Lilas à Belleville, l’adaptation du livre P'tit Claude, Des Lilas à Belleville sorti en 1994, Monsieur Eddy raconte sa jeunesse de titi parisien et plus particulièrement la période de ses 14 ans. Un beau jour, sa vie faillit basculer dans l'illégalité lorsqu’un certain Pépé leur propose, à lui et à son copain Marcel, de participer à son prochain coup. Claude y voit l’opportunité de gagner de l’argent pour s’acheter un électrophone et un costard… Le texte fait la part-belle au père d’Eddy Mitchell et révèle la solitude du jeune homme. Il est agrémenté d’une petite vingtaine d’aquarelles signées Ralph Meyer, qui dépeignent avec tendresse les déambulations de p'tit Claude dans le Paris d’après-guerre. Ainsi, le dessinateur d'Undertaker délaisse un temps les plaines du Far-West pour partir dans celles du 19ème arrondissement avec un trait détaillé et une patine vintage volontaire qui colle parfaitement au récit empreint de nostalgie d’Eddy Mitchell. En fin de comptes, cette BD intéressante permet au lectorat d’en savoir plus sur la vie de Monsieur Eddy et de comprendre les tenants et les aboutissants de sa personnalité. On ne regrette pas que p’tit Claude soit passé à côté de sa carrière dans le grand banditisme pour devenir ce qu’il est maintenant : un grand monsieur. Tout Eddy…