L'histoire :
À Bergerac, en 1862, monsieur Groux rend visite à Monsieur Pigeard. Il a une grande affaire à lui proposer : investir dans le Transsibérien pour célébrer l'alliance de la France avec la Russie. Persuadé qu'il s'agit de l'avenir et d'un filon juteux, monsieur Pigeard accepte de placer toutes ses économies à la BGI, la Banque Générale d'Investissement. Pendant ce temps, Joseph réfléchit à ce nouveau projet d'alliance avec la Russie. Si l'affaire tourne comme à Panama, les gens vont droit à la ruine. Pourtant, son oncle est ravi : ils toucheront de toute façon des commissions et quelque soit l'issue de ce placement, c'est la banque qui en sortira vainqueur. D'autant qu'il y a un marché à ouvrir en Russie...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La banque continue de dérouler sa longue fresque familiale à travers le temps et les époques. Cette fois, on est plongé dans la Belle Époque, juste avant la première guerre mondiale. Ce tome est un peu à part des précédents pour plusieurs raisons. Au lieu de continuer de décrire la terrible lutte de pouvoir entre les deux clans rivaux de la même famille, on suit cette fois le destin de certains membres moins influents de la fratrie. La narration se contente donc d'une suite de tranches de vie avec ses moments bien connus de tous. Les morts sont nombreux et les bons moments alternent avec les plus durs. Il faudra être attentif car dans cet opus, de nombreux personnages secondaires apparaissent ou ont plus d'épaisseur. On s'y perdrait dans toutes ces histoires de famille, d'autant plus que, pour une fois, il n'y a pas vraiment de ligne directrice. La narration alterne les points de vue au grès des événements, or mis à part le rôle de Joseph de Saint Hubert, aucun personnage ne crève l'écran. Certaines scènes sont toutefois superbes d'analyse psychologique et de cruauté du quotidien. La petite histoire de cette famille si particulière croise toujours la grande Histoire, mais là aussi, les événements sont très rapidement expédiés. On aborde en vrac la colonie et les affres de l'esclavage, les alliances de la France, la prospérité de l'Europe et la course à la guerre mondiale. On comprend mal le lien entre la banque et certains grands épisodes historiques. La fin est un peu décevante : Jean Jaurès fait son apparition mais là encore, cela arrive sans transition ni réel lien avec le reste. Heureusement, Stéphane Brangier incarne à la perfection cette ambiance poisseuse et ces règlements de compte (normal pour une banque) ou de tensions en famille avec un dessin très élégant et très précis. Ce tome a le mérite de changer de ton, mais il est peut-être un peu ambitieux, à l'image des Saint Hubert !