L'histoire :
1907. Le tout Paris ne jure que par un artiste : Matisse. Au Bateau-Lavoir, Picasso est fatigué par l'attitude de Fernande. Passe encore sur ses extravagances amoureuses, mais la voici qui veut adopter. En quelques semaines, elle recueille Raymonde, une orpheline haute comme trois pommes. Mais Pablo fait comme les copines, il se morphine, tandis que Fernande s'épuise en quelques mois à s'occuper de l'enfant. A bout de force, elle décide de ramener la petite Raymonde à l'orphelinat. Pablo est révolté. Il ne peint plus que des femmes horribles qui figurent Fernande. Sa peinture évolue. Il ne veut plus être comparé à qui que ce soit, encore moins être relégué derrière Matisse. Il n'expose pas, mais tous les connaisseurs lui rendent visite dans son atelier pour voir sa nouvelle toile. Elle est immense et se nomme « Le Bordel ». Elle passera à la postérité sous le titre des « Demoiselles d'Avignon ». Un choc, qui provoque des vocations, comme celle de Braque. Bien vite, ceux qui reniaient l'auteur de la période bleue savent qu'il est en train d'inventer la peinture du futur. Le peintres Matisistes deviennent alors des Picassoïstes...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Quatre volumes pour retracer les dix années durant lesquelles Picasso est devenu le maître de la peinture. Julie Birmant et Clément Oubrerie ont pris leur temps, mais c'est aussi ce qui leur a permis de rendre un bel hommage à l'espagnol. En concentrant la narration sur les débuts de l'artiste, de son arrivée dans le Paris de Montmartre, avec une condition sociale misérable, à sa reconnaissance dans les milieux d'art de la capitale, on quitte la série au moment où le génie commence à s'exprimer, juste avant que sa célébrité devienne mondiale. Dix ans, de 1900 à 1910, un peu comme l'arrière-scène d'un théâtre où se jouent les instants-clés de la vie du génie en devenir. La particularité de cette pièce en quatre actes est qu'elle attribue aux personnages qui entourent Pablo un rôle aussi important que le sien. Dès le début, on se familiarise avec son entourage, cette faune de Montmartre où les bourgeois côtoient les bohèmes, où les docteurs et autres avocats ou marchands d'art s'entichent de poètes maudits ou de peintres hallucinés. Ce dernier volume n'excepte pas à la règle. On y voit Braque et le douanier Rousseau, tandis que Fernande et Pablo continuent à vivre l'amour vache. Max Jacob, quant à lui, continue à aimer désespérément l'andalou, qui ne daigne plus lui accorder beaucoup d'affection. Cette mise en avant de personnages secondaires – qui ne le sont pas en réalité – est encore plus flagrante dans ce dernier opus. C'est aussi ce qui en fait sa force. Pablo Picasso n'est plus aux avant-postes de la narration, mais cela renforce encore plus sa présence. Tout tourne autour de lui ; tous tournent autour de lui. Et qu'importe la stricte vérité historique, c'est bel et bien une histoire de Picasso qui nous est contée à travers ceux et celles qu'il a côtoyés au début du XXème siècle. Une belle histoire, qu'on regrette presque de voir s'arrêter ici.