L'histoire :
Une vieille femme déambule dans l'indifférence parmi la foule qui se presse sur la butte Montmartre. Entre deux guides touristiques et les devantures des pizzérias et autres kébab, elle se rappelle du Paris des années 1900, de sa rencontre avec Pablo avant qu'il ne soit mondialement connu. Le petit catalan fuyait alors l'Espagne nationaliste. Un surdoué ayant fait les Beaux-Arts à quatorze ans, capable de produire cent toiles dans le mois. A cette époque, Fernande fuyait son mariage de raison, battue et violée par un époux dont elle ne voulait pas, pendant que Pablo rencontrait Max Jacob et découvrait la poésie. Un langage qu'il a voulu transmettre à travers sa peinture, même si son agent désapprouve immédiatement son changement de style... C'était au moment de l'exposition universelle, c'était quand Fernande était jeune. C'était un temps de misère mais de passion...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En choisissant d'élaborer la narration à travers le discours tenu par un autre personnage, Fernande, on perçoit dès la première page la dimension psychologique et intimiste de ce récit chorale. En effet, c'est un flashback qui ramène d'emblée le lecteur au début du XXème siècle, dans un Paris aux filles décomplexées et impudiques, dont la vie culturelle se déploie autour de l'Exposition Universelle. C'est ainsi qu'on assiste à l'arrivée en France de Pablo Picasso, jeune catalan épris de liberté, qui fuit la misère sociale d'une Espagne étouffée par le dogme de la Morale et de la religion. Le jeune Pablo ne tardera pas à se faire un nom parmi les bourgeois qui s'entichent d'acheter de l'art. Le « milieu » le décrit déjà comme un génie. Mais une rencontre va tout changer pour l'artiste, celle qu'il fait avec Max Jacob, un poète qui s'est épris de lui et l'initie aux belles lettres, en particulier Rimbaud et Baudelaire. C'est désormais clair pour Picasso, il ne peindra plus pour plaire aux autres, mais pour exprimer ses sentiments. Parallèlement, Fernande revient sur sa propre histoire, celle d'une jeune fille provinciale qu'on a marié de force et qui s'enfuit à Paris, ville où les lumières côtoient la misère crasse. C'est ainsi qu'au travers du récit habilement mis sur pied par Julie Birmant, le lecteur voyage dans le temps et l'espace, en s'immergeant totalement dans les cercles sociaux du Montmartre d'antan. Le dessin de Clément Ourbrerie s'appuie sur un style naïf, mais il traduit aussi la rudesse des mœurs et de ces temps d'avant-guerre. Il délivre également des décors extrêmement soignés et quelques planches qui incitent à la contemplation. Avec ce premier volume, la série débute vraiment très bien et démontre d'ores et déjà de grandes qualités, dont la première est l'originalité.