L'histoire :
Pico Bogue est un petit garçon avec une épaisse tignasse rousse qui regarde la vie à travers un prisme légèrement différent des autres. Notamment, Pico a une conception assez romantique des évènements et des obligations attendues d’un enfant. Face à l’éducation que tentent de lui inculquer ses parents, il se permet des répliques certes impertinentes, mais jamais dénuées de bon sens. A l’école, c’est un peu la catastrophe : Pico n’aime pas travailler, ou plutôt, il ne conçoit pas qu’on puisse enfermer un enfant, au plus bel âge de sa vie, entre les murs d’une école. On apprend en effet bien mieux de tout le reste… Ses résultats scolaires sont donc régulièrement lamentables, ce qui lui faut d’être mis au banc de ses amis : on ne joue pas avec les mauvais élèves. Pico va donc devoir résoudre ce problème de rejet généré par son étiquette de cancre, car dans le même temps, il commence à être très amoureux de sa copine de classe Lucie. A la maison, Pico est aussi un incorrigible gourmand, qui grignote en dehors des repas en dépit des interdictions parentales. Avec sa petite sœur Ana Ana (blondinette et chevelure blonde tout aussi épaisse), il se dispute parfois, mais le plus souvent ils sont complices face à la ligne de conduite qu’on leur impose. Et puis il y a de ces concepts tellement absurdes à appréhender, comme la vieillesse de leurs papy-mamies et la mort…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans ce 4e recueil, l’attachant Pico Bogue place la guerre au même rang des aberrations que l’école, et se trouve donc torturé par un cruel paradoxe : comment séduire Lucie tout en étant le mauvais élève de service ? A raison d’un ou deux « gags » par planche, la scénariste Dominique Roques et (son fiston) le dessinateur Alexis Dormal placent leur personnage dans la même veine que les grands strip comics philosophico-sociétal à l’américaine, comme Snoopy ou Calvin et Hobbes. La tendresse est ici accentuée par un dessin d’une grande douceur, un crayonné relevé d’aquarelles montrant des petits personnages colorés au sein d’un monde « de grands » plus terne. A travers l’innocence et l’impertinence de Pico Bogue, les auteurs nous interrogent sur toutes nos conventions socialement admises, comme la politesse, la performance, la norme… Notre petit rouquin pointe judicieusement, spontanément – et avec un sadisme inconscient – les contradictions adultes, sans se départir d’une forme de romantisme ou d’humanisme, ô combien nécessaires dans ce monde de brutes. Quand Pico pousse son comportement au pied du mur, il y a forcément une réplique désarçonnante qui prend la problématique en amont, pour faire levier. Or la clairvoyance futée de ce personnage paraitra incroyablement crédible aux parents qui expérimentent parfois les ripostes aussi déroutantes que surprenantes de leurs progénitures. Ce 4e opus ne renouvelle certes pas le concept, mais il le poursuit agréablement : quelque part, ça fait toujours du bien de lire Pico Bogue…
