L'histoire :
Après avoir tergiversé, Yann Calec, capitaine de la marine marchande, a accepté sa nouvelle affectation en Indochine. A cette époque, alors que la guerre (coloniale ? contre le communisme ?) fait rage, il vaut mieux ne pas être à cheval sur les procédures ou avoir des convictions patriotiques trop poussées : dans les cales du Thabor, son cargo civil, Yann transporte du fret militaire de tous bords… Il faut considérer ce type de trafic comme une assurance-vie. Outre un bon salaire, cette affectation permet à Yann de poursuivre une double démarche. La première consiste à effectuer des recherches pour retrouver le fils de son voisin rouennais, engagé dans la légion étrangère sous un faux nom. L’autre vise à mieux comprendre son propre père, une « gloire locale », quasi-administrateur d’un village, décédé il y a peu de temps, dans de mystérieuses conditions. Sorte de mercenaire indépendant, fabuleux meneur d’homme, ce dernier serait parti en expédition en zone occupée pour n’en jamais revenir. Yann en parle avec un reporter français et suit ensuite la piste de Ha Tu, ancienne congaï (concubine) de son paternel. Ce faisant, il fait la connaissance de Souên, une ravissante call-girl… et s’aperçoit peu à peu que ses recherches provoquent un petit remue-ménage…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les aventures fluvio-maritimes de Yann Calec dans l’Indochine des années 50 sont avant tout prétexte à nous délivrer les mille et une subtilités que révélait cette guerre, dont nul ne savait vraiment si elle était coloniale ou idéologique. Plus que jamais au sein de la série, les auteurs retranscrivent à l’attention d’un large public leur formidable démarche documentaire. Le périple de leur héros au sein de ce cadre crédible et didactique, constitue néanmoins une aventure parfaitement divertissante. Sous les crayons experts et les pinceaux ocres de Patrick Jusseaume, ce décorum moite et exotique est envoûtant. Au scénario, Jean-Charles Kraehn n’oublie pas pour autant d’illustrer les épisodes les moins glorieux de cette sale guerre, tels que la torture ou les exécutions sommaires. Les flashbacks remplissent à peu près la moitié de l’album, nous éclairant largement sur le charisme et l’importance du paternel Pierre-Yves Calec au début du conflit. L’enquête de Yann sur les traces de son père occupe ainsi une large partie de l’intrigue… et le cliffhanger final sait nous appâter pour le prochain volume (tome 9), qui devrait mettre un terme à ce cycle asiatique. Cependant, Kraehn n’oublie pas de faire progresser la seconde trame (à la recherche du fiston du voisin), à la fin de l’épisode. Etayée par d’innombrables qualités graphiques et narratives, Tramp s’impose plus que jamais comme une valeur sûre du 9e art…