L'histoire :
Les mains biens calées sur le manche de son TAV 8A, le lieutenant Jones vient de réussir son pari : faire évader XIII de Plain Rock. Encore groggy, ce dernier jette un œil sur l’ambulance qu’ils viennent de laisser en plein désert. Surtout, il pense à Billy Stockton qui n’a pas survécu. Un peu amèrement, il ajoute : « Il savait quelque chose qui aurait pu m’aider à retrouver la mémoire, mais sa folie l’a emporté avant. Dieu seul sait quelle aura été sa vie… ». Cette vie, elle débute bien mal pour le jeune Billy qui, à l’âge de 5 ans, est victime d’un accident d’avion dans l’Ohio. Ses parents, Danyel et Jane Cardwel, de riches industriels de l’agro-alimentaire, ne survivent pas. Après plusieurs mois de convalescence, le jeune garçon est confié à la seule famille qui lui reste, des cousins éloignés, fermiers dans l’Oklaoma : Jack et Alice Stockton. Ils l’adoptent et Billy prend leur patronyme. Il héritera de la fortune de ses parents à sa majorité. En attendant, l'enfant vit à la ferme avec sa cousine, au milieu des bestioles et hérite plus souvent de mauvais coups que de câlins. Son seul véritable ami, il lui fait la conversation en plein milieu des champs de maïs : c’est un vieil épouvantail silencieux. Pour passer le temps, il se balade aussi souvent au bord de la rivière. Il aime en particulier lapider les matous qui osent s’y aventurer...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avant que Frank Giroud et Colin Wilson ne s’intéressent, courant 2014, à Martha (l’ancienne chirurgienne alcoolique qui recueille et soigne XIII au début de la série), Laurent-Frédéric Bollée et Steve Cuzor s’attardent sur le cas de Billy Stockton. Personnage secondaire de Toutes les larmes de l’enfer, ce jeune multiple assassin condamné à perpét’ rencontre XIII à Plain Rock, l’asile pénitentiaire qui accueille notre tatoué dans le tome 3. L’album original cisèle le personnage très brièvement. Mais il en livre l’essentiel : la folie qui semble l’habiter, révélée en particulier lors de l’épisode de l’évasion... Aussi c’est avec une grande liberté (Stockton est certainement pour l’instant le « plus secondaire » des personnages utilisés par XIII Mystery) que Laurent-Frédéric Bollée se glisse dans l’histoire de Billy. Il compose très habilement son parcours, laissant judicieusement la mécanique de la folie s’installer. Il en suggère les causes, construit son enfance, son adolescence autour d’événements qui agissent comme autant de signaux alarmant. Il tente aussi de le réhabiliter un brin en nous faisant toucher du bout du calibre le manque d’amour abyssal dont souffre le gamin. Il saupoudre également l’ensemble d’une petite touche de réflexion en rattachant la destinée de Stockton à l’un des maux modernes américains (mais pas que…) : la tuerie de masse sans motif apparent. Surtout, enfin, Bollée réussit impeccablement à relier son scénario à Toutes les larmes de l’enfer et plus largement à la saga mère. Il utilise par exemple plusieurs séquences originales qu’il retravaille sous un autre angle pour épaissir un chouya le rôle de Billy Stockton. Il imagine ainsi pourquoi XIII décide finalement d’embarquer le « gamin » dans son projet d’évasion. Au-delà, on assiste à un récit parfaitement dense, dynamique, ponctué de flashbacks et de rebondissements. Et puis qui manipule le malaise avec beaucoup de brio pour perpétuer l’idée que ce personnage est désormais bien mieux là où il est. Steve Cuzor, quant à lui, livre une partie brillante aux contrastes travaillés, réaliste et réussissant à garder sa patte tout en ne s’éloignant guère des codes de la saga originelle. Bref, une fois encore : parfaitement cohérent !
