L'histoire :
Les troupes américaines sont intervenues pour mettre fin à la bataille de Dien Bien Phu et permettre la victoire française. Cet acte militaire a provoqué une intervention chinoise, qui a abouti au déclenchement d'un nouveau conflit mondial. Aux Etats-Unis, des agressions ont lieu contre des commerçants chinois, sur fond d'un racisme quotidien qui s'exaspère. Installé à Los Angeles, Lawrence Ivory est un ancien soldat de Corée, ex-flic devenu détective privé. Il survit de petites affaires, et sa surprise est grande lorsqu'il voit une superbe femme frapper à sa porte. La fille de la richissime famille Wu, qui possède une bonne partie de Chinatown, vient chercher de l'aide suite à la disparition de son père. Impossible de savoir si les groupuscules racistes des Comités d'Action Anti Américaine sont à l'origine d'un éventuel enlèvement. Miss Wu n'a trouvé personne qui accepte d'enquêter pour elle, mais Ivory a besoin d'argent. Il va donc laisser de côté ses préjugés d'américain moyen pour se lancer dans cette affaire. Au beau milieu d'une campagne électorale pour la vice-présidence, et à quelques jours d'un congrès républicain dans la ville autour du ticket Ike and Dick (Eisenhower et Nixon), beaucoup de portes se ferment à ses premières questions...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une situation de campagne électorale au cœur des années 50, dans une Amérique militairement engagée, où le racisme anti-chinois le dispute à l'anti-communisme effréné de l'époque. Le pitch du nouvel opus rétro-futuriste du trio Duval-Pécau-Blanchard est appétissant. D'autant plus qu'il est incarné par un détective privé assez peu sympathique, mais au caractère marqué et truculent. Ivory est aussi bourré de préjugés que la moyenne de ses concitoyens, avec en plus une moustache faussement élégante et un tee-shirt sans manches typiquement d'époque. L'album démarre donc sur un ton plutôt léger, pour petit à petit plonger dans la complexité d'une vraie enquête policière aux ressorts inattendus. Les auteurs n'abusent pas dans ce nouveau Jour J des apparitions de personnages qui ont réellement existé, tous ceux qui entrent en scène étant réellement utiles à l'intrigue. Elle y trouve une densité supplémentaire, tout en gardant ce qui fait le sel de la série, à savoir des rôles inattendus pour des hommes et des femmes qui figurent dans nos livres d'Histoire. Le dessinateur Denys illustre cette tranche d'histoire hypothétique avec un trait renouvelé, plus léger et plus nerveux que dans ses travaux antérieurs. Une belle évolution vers une sobriété supplémentaire, impeccablement servie par les couleurs de Scarlett Smulkowski. Dragon Rouge est un bon cru, bien mené et suffisamment complexe pour qu'on ait envie de s'y replonger sans tarder.