L'histoire :
Alors que le programme de recherche appelé « Projet Manhattan » est à son point critique, le professeur Robert Oppenheimer quitte le centre secret de Los Alamos au volant de sa voiture avant le lever du jour. Sans prévenir sa femme Kitty, poussé par un cauchemar terrifiant qui voyait une explosion nucléaire non maîtrisée ravager une partie du continent nord américain. La situation est absolument critique pour le général Groves, car les militaires savent que malgré la défaite de l'Allemagne, la bombe va probablement être le meilleur moyen de mettre fin à la résistance japonaise qui se poursuit. Aux côté de Fermi et d'autres physiciens de haut vol, Oppenheimer joue un rôle clé pour que les derniers essais soient concluants. Mais le savant est désormais sur la route. Et accoudé au comptoir d'un bar perdu dans la banlieue de Santa Fe, il entame la conversation avec un inconnu qui, à sa grande surprise, cite Kafka. Le jeune homme sans le sou accepte un whisky offert par Robert, et se présente. Il s'appelle Jack Kerouac, il vient de déserter de la marine pour devenir selon ses propres mots un clochard céleste. Une idée qui plait bien à Oppenheimer. Mais l'armée ne compte pas en rester là, il faut coûte que coûte récupérer le savant, quelle que soit la raison de sa disparition.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jean-Pierre Pécau et Fred Duval ont confié à Denys la mise en images de ce nouveau diptyque de la collection Jour J. Une excellente initiative qui permet de constater que le dessinateur des Comptines d'Halloween continue de développer un style de plus en plus précis et fin, des cases de plus en plus aérées, qui accompagnent parfaitement la fugue de Robert Oppenheimer. Il donne au savant un visage naturel et remarquablement personnel, et le fait évoluer avec beaucoup d'aisance dans des décors réussis, et une mise en scène très cinématographique. L'idée de la rencontre avec Jack Kerouac est amusante tant elle parait improbable ; en revanche la machine qui se met en branle pour retrouver le fuyard sonne terriblement juste. Les soupçons de trahison au profit des communistes, la paranoïa qui culminera aux Etats Unis avec le Maccarthisme, tout cela est très pertinemment mis en scène par les deux orfèvres de l'uchronie en BD. On prend toujours un petit cours de rattrapage en Histoire contemporaine avec ces deux-là, et c'est plutôt enthousiasmant. Cette nouvelle idée fonctionne très bien, les personnages connus entrent en scène alors que la course-poursuite débute, ce qui nous réserve de toute évidence des surprises pour le tome de conclusion à venir...