L'histoire :
Le commissaire parisien Raffini traverse de nuit un charmant coin de campagne à bord de sa Citroën, lorsque soudain un homme déguisé en oiseau l’effraie… et il fait une sortie de route. Le véhicule immobilisé, il n’a plus qu’à se trouver une chambre d’hôtel au village le plus proche, en attendant qu’il fasse jour. Il découvre alors la petite communauté des habitants de Saint-Hilaire. La patronne de l’hôtel et ses décolletés aguicheurs, le patron jaloux, le gendarme incapable, le gros curé, le médecin alcoolique, le maire qui est également garagiste… Celui-ci vient de monter la voiture de Raffini sur son pont, lorsque deux gamins rameutent le quartier sur la place centrale. En allant pêcher, ils ont trouvé un mort, un noyé dans la rivière. C’est Jean-Pierre, le garde-chasse du riche châtelain local, Monsieur de Saint Gratien. Un accident ? Entre deux ballons de rouge, le médecin décèle toutefois formellement un sacré bon coup porté à l’arrière du crâne. Puisque les réparations sur la Citroën de Raffini vont durer au moins le week-end, faute de pièces détachées, le commissaire se met donc à aider le piètre gendarme du village dans son enquête. Il découvre notamment qu’un mystérieux « corbeau » glisse des petits mots aux villageois, depuis des années, dénonçant l’un, accusant l’autre. Même lui a droit à son petit papier glissé dans la poche…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le débonnaire mais efficace commissaire Raffini a le don pour se trouver au bon endroit, pile au moment où le besoin dune enquête se fait sentir. A l’époque de Maigret (les années 50), mais à la manière de l’inspecteur Columbo (sans la dégaine branlante de Peter Falk), ce héros flic ne paye pas de mine, mais s’avère particulièrement compétent. Dans la réédition de ce tome 8 de la série historique, la noyade d’un garde-chasse semble suspecte et mérite bien qu’il fasse un peu de zèle, le temps d’un week-end. Alors : homicide ou accident ? L’énigme permet de brasser de nombreux suspect folklos (Tête de poule !), de rester longtemps ouverte et de se résoudre finalement de manière cohérente et crédible. Intelligemment, Rodolphe confie sa narration à la voix-off du mystérieux corbeau, qu’on ne découvre qu’au dernier tiers de l’album et qui joue un rôle primordial dans son déroulé. Le procédé est malin, car il permet d’emblée de présenter beaucoup de monde, tout en brouillant les pistes et en instillant pas mal de suspens. Les portraits des notables de cette petite communauté, qui ont tous un petit quelque chose à se reprocher, fait aussi penser à un film chabrolien. En outre, à l’aide de son style réaliste élégant, le dessinateur Christian Maucler enlumine impeccablement l’affaire. Aussi à l’aise sur les personnages que pour les décors ruraux, Maucler poursuit ici de très belle manière l’œuvre entamée par Jacques Ferrandez (sur les 4 premiers tomes). Un carton jaune pour l’éditeur, qui réédite curieusement les albums de la série dans le désordre et sans pagination. Sans doute faut-il y voir un compromis servant à occulter des problèmes de droits, car la série a déjà connu 6 éditeurs et 2 dessinateurs ? Néanmoins, cela ne gène guère la lecture et ne retire rien aux qualités indéniables des albums, qui forment autant d’enquêtes complètes et indépendantes les unes des autres.