L'histoire :
Dimanche 21 mai 1809, la grande armée de Napoléon livre une de ses plus importantes batailles, à Essling, petite ville autrichienne située en bordure du Danube. Sous les feux croisés et nourris des canons, qui déchiquettent les membres et les corps sans distinction de grade, des bataillons d’infanterie et de cavalerie se télescopent, épées ou fusils à la main. Le colonel Lejeune, jeune et brillant officier, passe des différents fronts aux arrières, tantôt afin de délivrer les ordres de Napoléon, tantôt pour remonter les informations à son empereur. Napoléon est certes un tacticien martial hors-pair, mais il doit faire avec les contingences du terrain. Un pont de fortune a notamment été tendu en travers du Danube reliant les deux rives par une île, à travers laquelle doivent transiter des renforts. La fragilité de la construction en fait une faille stratégique majeure ! Dans les plaines, au terme d’une première journée de combat, l’hécatombe est partagée. Les champs de batailles sont jonchés de corps et les médecins amputent les blessés survivants, quand il est encore temps. Le lendemain matin, un épais brouillard donne l’avantage aux charges d’infanterie de la grande armée. Mais il offre aussi à Lejeune de s’y perdre… Celui-ci demande la route d’Essling à un capitaine d’infanterie, qui lui trouve une escorte en la personne de Fayolle, un soldat qui l’a justement pris en grippe…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Frédéric Richaud poursuit ici l’adaptation en BD du roman éponyme de Patrick Rambaud, primé par un Goncourt. Balzac avait rêvé pouvoir romancer cette bataille d’Essling, une bataille peu connue et néanmoins la première grande hécatombe de la guerre moderne : ni vainqueur, ni vaincu, mais un bilan de 40 000 morts. Autant dire que l’exercice de la mise en scène relevait de la gageure ! Richaud parvient à rendre la fresque titanesque, en passant par tous les compartiments du conflit, dans un sentiment de combat généralisé omniprésent et jamais confus. La grande force de cette adaptation, c’est de parvenir à montrer l’ampleur, la sauvagerie et la diversité des combats, sans jamais perdre son lecteur, en dépit des nombreux fronts narratifs. Des scènes magistrales de troupes et d’affrontements sont ainsi rendues par Ivan Gil, qui livre un dessin franchement phénoménal. Dans un souci du détail solidement documenté, il met en scène des milliers d’hommes, avec leurs montures, leurs canons et leurs costumes complexes et bigarrés. Il faut certes accepter de suivre pléthore protagonistes récurrents, qu’ils soient civils, hauts-gradés ou simples trouffions. Ici, le colonel Lejeune continue de jouer son rôle de transmetteur, un soldat vengeur à ses basques. Les cadres de l’état-major cultivent leur art de la guerre avec un courage aveugle et une volonté de fer, harangués par un Napoléon qui joue pleinement son rôle de tacticien charismatique. Et à l’arrière, à Vienne, l’écrivain Henry Beyle – alias Stendhal – se consacre à un charme appuyé envers une belle autrichienne… aux sentiments confus. La conclusion sera à découvrir dans un troisième tome à venir, pour ce qui est d’ores et déjà une œuvre majeure de bande dessinée sur les conquêtes du Premier Empire.