L'histoire :
Julie, une jeune maman célibataire, passe en jugement au tribunal, pour homicide. Elle s’y rend avec fierté, sans crainte, elle assume totalement ses actes et relate les faits avec sincérité devant les juges. Emprisonnée entre deux séances, elle vit comme de véritables rayons de soleil les visites de son fils Mathias, deux fois par semaine, au milieu d’un quotidien carcéral, froid et déshumanisé. Quand elle sortira, elle l’emmènera en Australie ! Elle se remémore aussi ses années de liberté, souvent tragiques. Ado, elle était déjà très jolie et faisait des ravages parmi la gente masculine. Elle habitait alors essentiellement avec ses grands-parents et fort peu avec sa mère (elle aussi fille-mère), peu maternelle. Son grand amour de l’époque, Théo, devait peu à peu prendre une grande importance dans sa vie. Elle se souvient de leur premier baiser, de leur première relation, de leurs moments de plaisir et d’engueulades. Elle avait alors carrément élue domicile chez les parents de ce dernier, considérée comme leur belle-fille. Aussi, lorsqu’elle leur apprit qu’elle était enceinte, le père de Théo avait décidé l’avortement pour elle, classant l’affaire comme un « petit accident »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans la première partie de ce diptyque, le scénariste Denis Lapière propose un portrait de femme éminemment intéressant. C’est l’histoire d’un joli brin de fille, pas farouche pour un sou, trimballant des normes familiales bancales. Une fille gentille, mais que l’opinion populaire considère d’ordinaire comme « une traînée » : pouvoir de séduction maximum et petite vertu. Néanmoins, Lapière la rend extrêmement attachante par un jeu de flashbacks enchevêtrés, s’évertuant à décrypter son caractère et les origines de son inculpation. Le désordre chronologique volontaire permet de placer le récit hors du temps (la signature de la prison), d’attribuer une dimension éthérée et poétique à un contexte, plus qu’à une intrigue réelle. D’ailleurs, au terme de ce premier opus, le lecteur ignore toujours l’identité de sa victime présumée, bien qu’une forte suspicion porte dur un absent notoire, au tribunal… Le scénariste, pilier de chez Aire Libre, démontre une fois de plus son talent pour l’émotion, qui entre en résonnance avec son œuvre humaniste (Le tour de valse, Agadamgorodok, Ludo, Oscar…). Il s’appuie cette fois sur le talent graphique d’Olivier Grenson, qu’on a coutume de retrouver sur Niklos Koda. Or, le dessinateur livre pour la première fois avec brio des planches en couleurs directes. Le dessinateur est depuis longtemps à l’aise sur les faciès des personnages, qui ont néanmoins toujours un peu la même expression figée, une sorte de passivité mâtinée de mélancolie. Cette fois, il fait la part belle aux décors industriels de la région de Charleroi, sa ville natale. Les nombreuses cases représentant Julie sur fonds urbains/industriels tourmentés, comme autant de tableaux très réussis, apportent régulièrement une ambivalence intéressante et romantique au propos : la beauté et l’innocence au milieu du chaos. Superbe !