L'histoire :
Mairie du 13e arrondissement, 24 août 1944. Demain, Paris sera libéré. En attendant le jour J, Madeleine et ses camarades Fifis font la chasse au milicien. Ça tombe bien, il y en a un qui vient de jouer les snipers. Il vient d'abattre une petite fille qui se promenait avec sa mère. Un tire-au-flanc, en somme, puisqu'il prend la tangente sur les toits en zinc... Ni une, ni deux, l'équipée de Madeleine décide de lui filer au train. Ils grimpent sur les hauteurs de Paris. La poursuite est lancée. Madeleine tire et le milicien glisse sur les toitures. Ils finissent par le retrouver dans une fâcheuse posture : l’homme s’accroche désespérément à une gouttière avant de chuter sur la chaussée. En regagnant la rue et la terre ferme, Madeleine croise un milicien arrêté par un gardien de la paix. La foule, ivre de vengeance, veut le lyncher. D’abord attachée à l’idée qu’il soit jugé en bonne et due forme, elle comprend vite que les policiers, comme elle, dépassés par les évènements, ne pourront le protéger très longtemps. La guerre, dans son chaos, impose ses lois. Les nerfs à vif, Madeleine conduit l’homme derrière des vespasiennes. Un camarade lui bande les yeux. Les Fifis tirent sans ménagement. Le milicien s’effondre, la tête éclatée. Du sang, des éclats de cervelle sont projetés sur le visage de Madeleine. Elle vient de commettre son premier acte d’exécution sommaire.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Madeleine Riffaud nous a quittés le 6 novembre 2024. Une résistante ne s’éteint pas vraiment. Elle continue à vivre dans nos Mémoires, tant son ombre habite les pages que Jean-David Morvan et Dominique Bertail lui consacrent. Avec L’Ange exterminateur (un titre qui fait écho au film sublime de Luis Buñuel), quatrième tome de la série Madeleine, résistante, le duo poursuit l’œuvre avec ferveur, presque en pèlerinage. Nous sommes à la veille de la Libération. Les balles claquent encore, les règlements de comptes commencent. Paris tremble entre euphorie et vengeance. Dans le sillage de la Compagnie St Just à laquelle Madeleine appartient, on croise des figures fortes décidées à en découdre et des visages anonymes, porteurs de rage, de peur ou de foi. Madeleine, elle, n’est plus une simple jeune fille. C’est une femme de convictions profondes. À 20 ans, elle a tué. Le geste la hantera. Ici même, c'est une héroïne qui quitte l’idéalisme pour affronter le réalisme, n'hésitant à mettre parfois de côté ses principes. La guerre a une part sombre, comme tout un chacun. Comme le traduit habilement Jean-David Morvan. Graphiquement, Dominique Bertail est fidèle au poste avec son trait aiguisé comme une baïonnette. Il déploie toujours la même virtuosité : angles acérés, lumière contrastée, quelques clins d’œil en passant (dont un savoureux à Doineau, page 69, avec ses regards obliques). Une émotion brute traverse tout l’album. On la sent dans les visages, dans le grain des couleurs, dans les silences aussi. Ce tome saisissant, vibrant, presque funèbre, résonne comme un hommage à Madeleine, à sa jeunesse fracassée et à sa force d’âme indestructible.