L'histoire :
Chaque année à la même époque, le papa de Marzi achète au marché une carpe vivante. Elle reste quelques jours à tourner en rond dans la baignoire, après quoi elle passe au four, laissant quelques odeurs pestilentielles dans la salle de bain et des souvenirs traumatisants pour la petite fille. L‘espace de jeu de Marzi, c’est le palier du cinquième étage, dans cette HLM d’une ville industrielle polonaise. Les enfants des trois appartements du palier s’y retrouvent souvent pour « jouer à l’ascenseur ». Les règles sont simples : on attend que les gens montent dedans au rez-de-chaussée et on les envoie en balade à tous les étages en appuyant sur tous les boutons. Le palier sert souvent d’espace commun à toute la famille. C’est d’ailleurs là que les fillettes se font percer les oreilles par une voisine. Mais à cette époque, le quotidien en Pologne se passe aussi à l’extérieur, où les files d’attentes devant les boutiques d’alimentations paraissent interminables, surtout par des températures frigorifiques…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sylvain Savoia, dessinateur de Al’Togo et de Nomad, fait ici sa première infidélité à Jean-David Morvan, scénariste de toutes ses précédentes productions. Pour l’occasion, il abandonne radicalement son style de dessin réaliste pour un nouveau plus naïf, plus rapide, mais tout aussi maîtrisé. Marzi est la chronique autobiographique des souvenirs d’enfance de Marzena Sowa, polonaise venue étudier en France. Malicieux et d’une grande fraîcheur, ce personnage est graphiquement et psychologiquement proche de celui d’Addidas dans Koma de Pierre Wazem et Frederik Peeters. En revanche, la réalité dans laquelle elle évolue est tout autre. Intégralement raconté sous forme de voix off, ce quotidien polonais vu par les yeux d’une enfant ne cherche à véhiculer aucune idéologie politique. Toutefois, on ne peut s’empêcher de constater le fossé entre le système de pénurie permanente de l’époque (c’était il y a à peine 20 ans…) et notre économie de marché « européenne » d’aujourd’hui. Dans ce premier épisode, Marzi s’adapte à la vie imposée par les adultes, sans chercher à comprendre le « système ». Les prochains tomes la verront grandir et certainement poser un regard plus mature d’adolescente, puis d’adulte, sur les mutations de ce pays à la fin du XXe siècle…