L'histoire :
Les enfants en sont désormais persuadés : s’ils sont seuls, abandonnés aux phénomènes bizarres qui se déroulent dans leur ville, c’est parce que… ils sont morts ! Ils tentent donc différentes choses pour comprendre leur état : Dodji déterre son propre cadavre… disparu. Camille organise une grande messe d’enterrement pour eux-mêmes. Et lors d’une séance de spiritisme « inversée », avec un verre et des lettres de scrabble, Yvan obtient une phrase énigmatique : « vous devez vous rappeler votre mort sinon les 15… » et là, tout s’emballe. Saul, lui, ne trouve rien de mieux que d’incendier les cairns qui délimitent la périlleuse « zone rouge », pour montrer qu’il n’a peur de rien. Pourtant, des incohérences subsistent dans cette théorie de la mort : pourquoi n’y a-t-il que des enfants ? Ils ont tout de même le sentiment que « quelque chose » continue dans cet univers. L’un d’eux a alors une hypothèse : et si tout ce qu’ils vivaient ensembles était une sorte de gigantesque ralentissement du temps et que tout se passait dans la micro seconde qui précède leur mort ? Et que ce serait ça que les religions appellent la vie éternelle ? Ce serait une sorte de dimension cachée dans le temps : la « quatrième dimension et demie » ! En marge de ces réflexions, deux clans rivaux se constituent et décident de marquer leurs territoires en taguant un maximum de bâtiments d'un symbole chacun. Toutefois, le « clan du soleil », dirigé par le charismatique Saul, est beaucoup plus puissant – et belliqueux ! – que celui d’Yvan, Leila et compagnie, dirigé par Dodji…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Un premier cycle s’était achevé en apportant beaucoup de révélations à la fin du tome 5. Pour la première fois, une théorie logique était avancée pour expliquer ce qui arrive à ces enfants abandonnés seuls à leur sort dans une ville contemporaine. Rassurez-vous, le scénariste Fabien Vehlmann en a gardé beaucoup sous le pied ! Car ces révélations demeurent des hypothèses et de nombreuses zones d’ombres restent inexplorées. Que sont les 15 familles ? Le monolithe ? La signification de la zone rouge et des cairns ? Ainsi les enfants émettent tour à tour leurs réflexions, bâties sur les spéculations cartésiennes rassurantes qui caractérisent leur âge. Par exemple, le postulat de la mort s’affine cette fois avec celui du ralentissement ultime du temps, la fameuse Quatrième dimension et demie du titre. Mais Vehlmann sait aussi rythmer ces questions de fond avec des problématiques plus terre-à-terre, qui permettent d’attribuer beaucoup d’action et de dynamisme à ce 6e épisode. Ici, les rivalités entre le petit groupe de héros et la bande de Saul s’accentuent et atteignent un nouveau pic de tensions belliqueuses. Toutes ces considérations s’étayent aussi de moult petits traits d’humour (la sonnerie du portable : I will survive !) et se teintent de la légèreté narrative et graphique adéquate au public cible (de 7 à 77 ans…). Car au dessin, Bruno Gazzoti ne faiblit pas d’une once, toujours très exigeant avec la ligne semi-réaliste cohérente mise en place dès le premier tome. Forte de toutes ces qualités, la série Seuls est peut-être le renouveau des grandes séries au long cours qui ont caractérisé l’âge d’or de la BD !