L'histoire :
En 1982, après la période Fournier controversée, Yves Chaland faisait partie des repreneurs potentiels de l’emblématique série Spirou et Fantasio, au sein des studios Dupuis de Marcinelle. En parallèle, deux autres équipes étaient pressenties : Nic et Cauvin – qui livrèrent 3 albums – ainsi que Tome et Janry – qui finirent par l’emporter. Mais auparavant, Chaland eut alors le feu vert pour débuter une histoire « à la façon » de Jijé ou de Franquin à ses débuts. Cette histoire qui serait par la suite avortée, s’intitulait Cœurs d’acier et elle était alors publiée dans le magazine Spirou à raison de 2 strips horizontaux par semaine. En voici le début :
Un facteur complètement ivre livre un étrange colis chez Spirou. Quand il l’ouvre, le groom est aussitôt agressé par son contenu : un robot aux forces herculéennes, qui ravage tout dans son appartement en essayant de s’en prendre à lui. Forcé de sauter par la fenêtre, Spirou se retrouve finalement coincé dans un cul de sac face au monstre d’acier ! Heureusement pour lui, c’est le moment que choisit le robot pour tomber en rade de batteries. Il rapporte la carcasse chez lui, où le rejoint son ami Fantasio. Ensemble, ils s’aperçoivent que le réel destinataire du robot était le voisin du dessus, un certain Georges Léopold. Ils décident de lui apporter et découvrent un intérieur colonialiste. L’homme entreprend aussitôt de leur raconter son passé de chasseur en Afrique, aux côtés de son pisteur hélas disparu, Bocongo…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
« Année Spirou » oblige, les éditions Dupuis rééditent ici, dans leur format à l’italienne et leur en noir et blanc d’origine, les strips horizontaux de l’aventure qu’avait entamée Yves Chaland en 1982. A l’époque, l’auteur faisait partie des repreneurs potentiels de Spirou et Fantasio. Son crédo était de reprendre l’emblématique série là où Jijé l’avait abandonnée, tant dans le style graphique que dans le ton naïf et rocambolesque. Aujourd’hui, dans cet ouvrage au format paysage, José-Louis Boquet, scénariste et mémoire vivante de cette période, retrace tout d’abord la direction un peu bancale de la période au sein de l’entreprise, avec force documentations (des croquis, des couvertures par Chaland, des extraits de ses précédents travaux, des photos…). Puis les 46 premiers strips se dévoilent dans leur forme originelle… avant d’être brutalement stoppés en plein milieu de l’aventure. Bocquet explique cet arrêt en poursuivant le documentaire : on venait de mettre fin au contrat de Chaland. Après 3 albums par le tandem Nic et Cauvin, les repreneurs au long terme s’appelleraient définitivement Tome et Janry. Le lecteur qui découvrira cette histoire pour la première fois sera tout autant frustré par l’arrêt brutal du récit que par la naïveté du ton des premiers strips. Spirou est tout d’abord aux prises avec un robot agressif, avant d’être engagé « comme un cheveu sur la soupe » pour une aventure africaine en compagnie de Fantasio. Bien malin qui peut imaginer comment Chaland se serait sorti d’une narration aussi patchwork et linéaire. Le présent documentaire sur ce rêve inachevé a toutefois le double mérite de décortiquer un contexte éditorial particulier, et de rappeler que la ligne claire de Chaland était largement au niveau de ses pairs, dans un style old-school bien éloigné. A noter que les éditions Champaka proposent aussi l’histoire « complète » en version colorisée : le scénariste Yann y termine la narration de l’aventure, agrémentée d’illustrations pleines pages de Chaland.
