L'histoire :
Seul dans son lit, Jean-Claude Tergal se souvient. C’était il y a 20 ans, jour pour jour, un matin à 8h30 précises. Il avait découvert sur le lit une feuille de papier pliée en 4 – du Schöller, 125g, bien trop beau pour être gâché. Dessus, il était marqué « Je te quitte ». Dans la cuisine, à côté, il découvrait effectivement Isabelle en train de faire effectivement sa valise et lui claquer la porte au nez. Depuis lors, il se rejoue la scène dans sa tête, imaginant cents réparties (Jean-Claude a toujours eu la répartie laborieuse) ou bifurcations possibles à cet instant charnière. La bonne blague : irrésistible. L’ultimatum : n’a jamais fait ses preuves. La bataille de polochon trop sympa : trop décalé. Ah, si seulement il existait une télécommande pour figer le temps, histoire de préparer l’instant suivant idéal… Il se souvient aussi qu’il lui a écrit une lettre, où il se montrait compréhensif et coopératif : dedans, il lui laissait le temps de réfléchir et lui donnait rendez-vous 20 ans plus tard, aujourd’hui même, donc. Raté : il est 8h32 maintenant et elle n’est toujours pas là. Il se remémore alors leur première rencontre, les douloureuses journées qui suivirent la séparation… Parce que des femmes, c’est pas comme s’il en tombait 10 quand on tape dans un arbre ! (quoique)
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il est décidément trop con ce Didier Tronchet (ceci est un compliment) ! Au-delà de ses histoires en bande dessinées, son personnage de Jean-Claude Tergal est devenu un mythe, le symbole du looser intégral, en qui chacun se reconnaît (un peu). 18 ans qu’il nous fait marrer avec ce pauvre type trop seul, qui pourtant ne doute de rien, et il en a encore énormément sous le pied : le concept semble inépuisable. Le trait pâteux et épais de circonstance aurait même tendance à gagner en justesse au fil des albums. Avec ce tome 9, Tronchet modifie néanmoins sensiblement la forme narrative : terminées les historiettes découpées en 5-6 planches (et destinées à être pré-publiées dans Fluide). Cette fois il nous livre une histoire d’un seul tenant, quand bien même celle-ci est constituée d’une foule de petites anecdotes en autant de séquences bidonnantes. Le sujet central est le souvenir lointain de sa rupture (tragi-comique) d’avec Isabelle. La couverture s’impose d’ailleurs en écho revisité du tout premier tome de la série (le connard « en moins »). Car ce moment est clé dans la vie de JCT : il le revit sous divers angles, inclinant constamment les paramètres qu’un tel moment mobilise, mêlant la réalité à son imagination fertile (on a beaucoup d’imagination quand on est seul). Et il est une fois de plus en forme, explorant de manière quasi exhaustive toutes les pistes des situations provoquées, systématiquement en harmonie avec la réaction du blaireau ultime. La grande force du personnage, c’est que ce n’est jamais cruel : Jean-Claude est touchant, suscitant une infinie tendresse chez le lecteur, spectateur de sa beauferie… quand bien même il fuirait volontiers à toutes jambes, plutôt que de devoir faire un câlin à ce gros dadais dans son anorak gonflé. Continue Jean-Claude, on ne le montre (surtout) pas, mais on est de tout cœur avec toi.