L'histoire :
La journaliste Mayome Banerjee se retrouve seule dans un temple hindou, une petite urne funéraire à la main. Celle-ci contient les cendres du jeune chef révolutionnaire Chaabi, abattu par l'armée, à l'âge de 12 ans. Le deuil de Mayome et le travail de mémoire qu'elle entreprend passent par les témoignages de chacun des lieutenants de Chaabi, mais aussi par ses propres souvenirs. Notamment ce jour où Chaabi, pressentant le conflit imminent avec l'armée indienne, avait exigé d'elle qu'elle retourne à Calcutta : il avait compris que le tempérament indépendant de cette grande professionnelle était une arme de propagande inouïe au service de sa cause. Et pour cela, il fallait qu'elle reste en vie. Evidemment, ses premiers articles ne plurent guère à son rédac-chef et Mayome avait été virée de son journal. Elle avait néanmoins continué à relater la révolte de ces enfants ; et ce mouvement nourrissait de grands espoirs au sein des couches populaires de l'Inde. Pendant ce temps, la tactique à adopter ne faisait pas l'unanimité au sein des troupes de Chaabi. Sanjay, l'un de ses lieutenants, avait proposé d'attaquer directement les hommes de Jeetandrah Bath, plutôt que d'attendre leur offensive. Chaabi n'était pas d'accord et préférait dès lors l'exil, avec sa troupe d'enfants. Le vent de la discorde était semé et les conséquences allaient être tragiques...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jusqu'à ce 3e et dernier volet, Chaabi aura décidément été une drôle de série. D'une part, à travers l'histoire de cette révolution d'enfants dans l'Inde contemporaine, le scénariste Richard Marazano aura eu le nez drôlement creux, qui lui permet de conclure sur le printemps arabe de l'année 2011... et d'anticiper sur un embrasement mondial. Visionnaire ? La forme narrative de l'exercice demeure pourtant inédite et un brin bancale. En effet, plutôt que de servir une aventure rythmée, qui passerait, par exemple, par des actes de guerre, des prises de pouvoir, du mitraillage et de la testostérone, Marazano préfère n'exposer que des palabres politiques, en amont et en aval d'une action qu'on ne voit quasiment jamais (la tuerie sur Chaabi et sa troupe mise à part). Certes, les idéologies et leurs mécanismes d'adhésions psychologiques priment sur les actes qu'ils génèrent... Toutefois, en rendu BD, c'est un parti-pris qui ne se convertit pas vraiment en un récit très palpitant. Une fois encore, les discussions tournent longuement autour du pot, sur la tactique politique à adopter ou sur le schéma de dissémination d'une révolte. Surtout, la maturité et le charisme de cet enfant semblent toujours artificiels, psychologiquement incohérents. En revanche, on accepte mieux les trahisons impossibles (de Sanjay) ou les alliances tout aussi improbables (de Jeetandrah Bath), en illustration du peu de latitude et de la complexité des manoeuvres politiques. Soulignons enfin l'excellent travail du dessinateur Xavier Delaporte qui, pour sa première BD, n'a pas eu affaire à un scénario facile. Ses encrages réalistes illustrent au mieux la partition ardue proposée par Marazano, en variant les plans sur les protagonistes, au milieu de décors secondaires...