L'histoire :
Le physicien et vulgarisateur scientifique Etienne Klein se promène à Princeton, ville de 30 000 habitants, équidistante de New York et de Philadelphie. C’est ici que vécut et travailla le célèbre Albert Einstein, les 20 dernières années de sa vie. C’est ici que le savant démontra un phénomène aujourd’hui toujours inexpliqué : l’intrication quantique. En gros, ce phénomène étrange engendre la modification simultanée d’une particule qui aurait interagi avec une autre par le passé, quand on modifie son état, même si elles sont très éloignées l’une de l’autre. Mais pour l’heure, Etienne Klein va s’acheter un 33 tours des Rolling Stones, son groupe préféré. Il achète Blue and lonesome, celui avec la langue tirée sur la pochette, qui est devenu le logo du groupe… et qui fut a priori inspiré par le célèbre cliché montrant Einstein tirant la langue à des paparazzis. Il s’installe dans son logement et profite de l’écoute du disque… lorsque quelqu’un toque à sa porte. C’est le fantôme d’Einstein, qui lui propose de profiter de leur rêve commun pour faire un voyage à travers les nouveaux enjeux du XXIème siècle ! Un insecte géant apparait alors, « l’espace-taon », qui leur permet de traverser le vide spatio-galactique jusqu’à leur première étape : le tarmac de l’aéroport de Mérignac et un vol à bord de l’Airbus A310 Zero G, pour une série de bonds paraboliques, qui permet de simuler l’impesanteur…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette Eternité béante est une anagramme mélangeant les prénoms des deux savants qui se côtoient tout au long du voyage onirique, loufoque et instructif qu’ils effectuent dans cet album. Avec l’aide du scénariste Laurent-Frédéric Bollée, pour structurer une narration sur 150 pages, le lecteur est invité à suivre les deux hommes à travers leur voyage impossible, à travers les sciences et la philosophie. Impossible, car Einstein est mort en 1955, soit trois ans avant la naissance de Klein. A chaque transition entre les sujets abordés, les deux hommes se retrouvent ainsi juchés sur un insecte géant (un espace-taon !) à travers des fonds en aplats noirs. Dans un premier temps, Klein montre à Einstein ses propres découvertes mises en application concrètement aujourd’hui. C’est l’occasion d’une suite d’épisodes de vulgarisation scientifique au sujet des ondes gravitationnelles, les trous noirs, la théorie de la relativité, la physique quantique, le temps et la lumière. Ils abordent aussi les racines de la culpabilité indue d’Einstein au sujet de la bombe atomique qui a ravagé deux villes du Japon en 1945 et son total engagement pacifiste qui s’ensuivit. Puis Klein montre à Einstein les enjeux scientifiques qu’impose notre XXIème à l’humanité : l’ère de la numérisation, des smartphones, des réseaux a-sociaux, des IA, de l’emballement du réchauffement climatique que nous ne parvenons pas à freiner, des guerres qui perdurent un peu partout… et Klein tente de faire réagir l’esprit d’Einstein sur ces sujets – un projet ambitieux ! Le génie scientifique termine par un discours aussi philosophique que scientifique au Royal Albert Hall, sur la manière d’appréhender les enjeux cruciaux qui s’offrent à nous. Entièrement dessiné par Christian Durieux, cet exercice de vulgarisation et de prise de recul est (évidemment !) intéressant et plutôt réussi.