L'histoire :
Matteo est revenu parmi les siens à Collioure. Son bref engagement dans la guerre qui a débuté en 1914 a brisé ses rêves d'une victoire facile, et ne lui a pas permis de revenir auréolé de gloire pour conquérir Juliette. Désormais mariée à Guillaume, elle a choisi la sagesse d'un mariage avec un richissime fils de grande famille. Matteo décide alors d'aller chercher en Russie un improbable oubli. En compagnie de son ami Gervasio, il rejoint Petrograd où la révolution bat son plein. Croyant y trouver une concrétisation parfaite de ses idéaux révolutionnaires et anarchistes, il s'en va la fleur au fusil, armé d'un appareil photo avec lequel il compte ramener le témoignage du triomphe d'une prise de pouvoir par le peuple. Sur place, il découvre la dureté de l'affrontement entre les trotskistes et les bolcheviks, et rencontre une passionaria nommée Léa. Militante radicale de la cause Léniniste, elle embarque Matteo, qui cède à ses charmes autant qu'à son argumentaire. Mais à Petrograd, comme dans les tranchées de l'Est de la France, la dure réalité des affrontements et des violences met à mal les certitudes de Matteo. Et le souvenir de Juliette refuse de disparaitre…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après les grands succès critiques (et de librairie) que furent Le Sursis et Le Vol du Corbeau, le grand auteur complet qu'est Jean Pierre Gibrat a trouvé son univers. De grands récits classiques où les relations humaines et l'histoire avec un grand H s'entremêlent, de grandes sagas romantiques et cruelles sur fond de tragédies célèbres. Comme d'habitude est-on tenté de dire, l'album est magnifique. Gibrat est clairement un des plus grands illustrateurs de la BD actuelle. Personnages crédibles, visages riches en expression, paysages magnifiques et couleurs sublimes. Avec, dans cet album, une petite touche de nervosité supplémentaire au niveau du trait, une réalisation un peu plus rapide, qui donne plus de dureté aux pages de Matteo qu'à celles des précédentes sagas de l'auteur. Tout cela reste très beau, un art visuel qui se place deux crans au dessus de la majorité de la production BD actuelle. Sur le plan du scénario, Gibrat nous livre un récit très linéaire, sans fioriture ni flashback, sans fausses pistes ni pièges à lecteurs. Une trame droite et classique, une histoire historico-sentimentale qui tient la route en se calquant sur des évènements historiques. Mais il faut néanmoins reconnaitre que le lecteur n'est pas, à proprement parler, tenu en haleine dans cette nouvelle saga. Les évènements clés de la vie du héros ne sont jamais réellement bouleversants, ni totalement surprenants, donnant l'impression d'un enchainement somme toute logique, dans une histoire globalement dramatique. C'est le seul bémol de cet album, un bémol modeste qui s'inscrit dans une partition magistralement exécutée. Prévue en 4 à 5 tomes, qui vont traverser un demi-siècle d'histoire, Matteo reste une série intéressante à lire. Une étape supplémentaire dans la brillante carrière de Gibrat, dans la droite ligne de ses précédents albums en solo. Un point d'entrée idéal pour ceux qui n'ont pas encore découvert l'univers de ce très grand de la BD.