L'histoire :
Verloc en a désormais terminé avec son amnésie. A l’aide de son carnet-papier, il a parfaitement reconstruit le fil des évènements de ces derniers jours : sa venue sur Ona(ji) avec son frère ; sa rencontre avec les scientifiques arrivés 6 ans plus tôt pour mettre en œuvre le projet Aâma ; l’expédition meurtrière ; l’environnement hostile ou encore l’étonnante présence de sa fille Lilja. Il a même désormais compris pourquoi Churchill, le singe roboïde, a une belle paire de jambes humaines. Mais le voilà bien seul sur cette planète inhospitalière. Seul mais envahi, ou plutôt même infecté, de nouvelles sensations. Délires ? Hallucinations ? Ou plus simplement différent ? Et capable de prouesses physiques ahurissantes ou de faire corps avec l’environnement. Mais surtout, il sait qu’il doit très rapidement retourner sur Radiant, sa planète d’origine, pour y retrouver sa fille : la « vraie » petite Lilja, pour l’instant calfeutrée dans une alcôve techno de la Muy-Tang, la société commanditaire du fameux projetAâma. En attendant, il doit trouver comment rentrer. Et justement, l’arrivée d’une escouade paramilitaire envoyée par la Muy-Tang pourrait bien en être le moyen...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’imaginaire puissance 10 calé dans les pinceaux, un sens incroyable du mouvement, l’exécution du trait au tempo des sensations dictées par le lâcher prise du scénario, un cadrage aussi fabuleux qu’efficace et précis, des planches aérées, une leçon de lisibilité… Pour clore sa singulière saga SF, Frederik Peeters offre à la faveur de cette dernière centaine de pages une partition graphique digne des grands noms de la bande dessinée. L’immersion est totale. Le plaisir visuel est cardiaque, olfactif et tactile à la fois. Aussi vous faudra-t-il plonger avec gloutonnerie dans cette ultime ruade conduite par un Verloc Nim envahi, résistant. Et tenter d’enrayer les desseins d’Aâma en lui faisant goûter le sel de l’humanité. Pour autant, ce final nous entraîne là où il nous attendait : sans véritable surprise, sans l’épaisseur d’une intrigue à tiroirs ou connexions jubilatoires, mais inéluctablement lié à la petite Lilja, la fille mutique et sans sourire (?) de Nim. On comprendra tout de ce fameux projet pour lequel Verloc est tombé dans la nasse. On participera à la réflexion humaniste proposée (et le rapport de force entre humanité et technologie). On reconnaîtra le parfait clin d’œil (via le titre de ce dernier opus) au Tu seras un Homme, mon fils de Kipling (et les parallèles qu’il suggère). Mais là où la partition graphique est savoureusement sensation, le fil conducteur de l’intrigue reste principalement cérébral. Frederik Peeters manipule très habilement les scènes d’action, capte intelligemment l’attention, mais il peine à jouer la carte du divertissement brut. D’autant que l’ensemble de ses personnages manquent peut-être un peu de charisme, de chaleur, pour totalement nous attacher (en même temps, c’est parfaitement raccord avec le message filigrané par le récit). L’ensemble de la saga choisira donc – tout comme cette substance Aâma – son public. Et pour qui refusera de se faire dompter par sa rationalité en se laissant faire par le flux de ses sensations, cette rencontre restera un moment privilégié de BD.