L'histoire :
Jane est dénoncée à la justice américaine par son ex-mari, celui-ci l’accusant d’avoir tué une femme au cours d’un hold-up manqué. Or, Ellen Baker, présente au moment du drame, sait être l’auteur du meurtre. Apprenant dans un journal la condamnation de Jane à la peine de mort, Ellen plonge dans un profond désarroi sachant que Jane est innocente. Hantée par ses regrets et fidèle à son idéal humanitaire, Ellen décide de partir dans les Shetlands pour réfléchir, loin de ses enfants et de son mari, afin de prendre une décision quant à son avenir : se dénoncer, quitter sa famille et rester fidèle à sa morale ou poursuivre une vie teintée de honte et de culpabilité. Pendant ce temps, Richard, son mari, fait le choix de mettre entre parenthèse son métier d’avocat pour se consacrer à une carrière politique. Il souhaite se faire aider par Ellen, reconnue pour ses qualités rhétoriques. Il ignore bien évidemment son terrible passé. Femme de terrain appréciée dans l’humanitaire, Ellen est considérée par son mari comme la caution légitime de sa future campagne électorale. Mais ses plans vont être contrariés par le retour de sa femme à Londres. En effet, Ellen a désormais fait son choix…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Voici le 2e volet de la série Destins, annoncée comme « un nouveau monument de la BD » ! A l’image du premier tome, la grande qualité de cet album réside dans un graphisme simple, soucieux d’épure et de précision. Le trait fin, continu et parfois renforcé de Daphné Collignon (notamment pour les brefs flashbacks) exprime avec finesse la pesanteur et la tension entourant la vie d’Ellen. Une vie apparemment heureuse mais qui, à l’examen, révèle une absence de joies et une douleur profonde. La belle mise en couleur, teintée de nostalgie et de mélancolie, (voir les planches sur le hold-up, Greg, ou les projections familiales) s’adapte parfaitement à l’ambiance de cette histoire rehaussée à la « sauce british ». Le dessin s’autorise quelques éclairs de gaieté (dans ce bel ensemble souvent ocre), notamment lors du voyage d’Ellen dans les Shetlands où les nuances de vert traduisent l’espoir d’un destin meilleur, mais aussi la difficulté d’y croire. Le travail sur la nuance et le contraste, entre sombre et clair, met en avant, avec douceur, les différents états psychologiques traversés par Ellen (le ciel londonien se dégage pour l’héroïne au moment où elle élabore une stratégie). Bref, l’émotion est palpable tout au long de ce récit intimiste et c’était sans doute le cœur d’une problématique graphique menée avec talent. A ce dessin réussi s’ajoute un scénario classique, expressif, dynamique. La narration oscille entre monologues intérieurs (surtout ceux d’Ellen) et dialogues soulevant des questions éthiques sur le pouvoir, Ellen incarnant notamment la pureté et son mari le cynisme pragmatique. Le récit est aussi prétexte à une réflexion (légère) sur le rôle de la justice et les droits de l’homme. Bref, morale, politique et sentiments se mêlent pour offrir au lecteur un album dense et agréable, plus convaincant que le premier. La suite s’annonce intéressante tant le récit gagne en intensité dramatique.