L'histoire :
Trop d’argent… Tellement d’argent, qu’entre le moment où il planque ses beaux billets et leur conversion en lingots, les rats lui mangent une petite fortune. Mais outre la nécessité d’acheter le poison de conséquence pour punir les bestioles en question, Joseph Joanovici a d’autres soucis : le vent tourne, les boches ne vont plus rester longtemps. Joseph sait qu’il se retrouvera alors seul et paiera la douloureuse facture. C’est simple et il n’a pas d’autre solution : il va devoir investir sa fortune dans la résistance. Pour ce faire, il utilise son immense bras pour faire libérer des cellules de la gestapo, l’inspecteur principal Fournet et l’agent Piednoir. Tous deux y croupissent en effet, pour appartenance à une filière résistante. Profitant de la panique qui règne dans le réseau après en avoir lui-même organisé le démantèlement, il propose par l’intermédiaire de ses 2 nouveaux amis de faire libérer plusieurs résistants. Ainsi, Fournet repart avec une liste de 35 noms, tandis que Piednoir est gardé en otage. Lors d’une soirée où le champagne coule à flot, Joanovici, propose un petit marché à un officier de la Kommandantur : 20 000 francs par résistant qu’il parviendra à faire libérer. Le SS accepte, il a besoin d’argent pour assurer son train de vie luxueux. Les hommes délivrés, Joanovici devient sous le nom de « Spass » (le sauveur en russe) un membre actif et précieux pour le réseau « Honneur et Police »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est une manière peu commune d’entrer dans l’histoire de la seconde guerre mondiale qu’ont choisie Fabien Nury et Sylvain Vallée en orientant leur projecteur sur le personnage de Joseph Joanovici. Loin des héros ou des martyrs, et pas complètement pourri, le bonhomme incarne à lui seul les problématiques de l’occupation : antisémitisme, enrichissement douteux, résistance, collaboration. Ainsi la saga prévue en 6 tomes nous propose de regarder en face un pan de notre histoire pas toujours franchement odorant. Les deux premiers chapitres nous avaient donné l’occasion de faire connaissance avec ce roumain atypique, illettré surdoué de la ferraille, ayant épousé pour seule religion, pour seule patrie, l’argent. Peu importe alors qu’il faille pactiser avec le diable, délaisser sa famille, se présenter à la visite médicale pour obtenir un certificat d’aryanité accompagné de deux amis SS : ce qui compte, c’est pouvoir continuer de faire de l’argent et rester en vie. Ce nouvel opus permet au duo d’auteurs de poursuivre la présentation de cette implacable logique : Joseph a de l’odorat et pour éviter la casse, il investit massivement dans la résistance en utilisant deux anciens flics qu’il sort des geôles de la gestapo. Au-delà, le personnage se révèle de plus en plus touchant, parfaitement conscient de l’horreur qu’il nourrit (même s’il parait plus cynique et froid que jamais), simplement embarqué dans l’engrenage de ce qu’il a construit pour survivre. Aux manettes, Fabien Nury et Sylvain Vallée poursuivent leur démonstration de BD avec un égal brio : de la narration au trait, tout est impeccablement fluide, limpide, rythmé par un découpage et des cadrages qui laissent toujours cette sympathique impression de cinémascope, rapprochant l’œuvre des meilleurs moments du 7e art. Bref, une toile à se faire illico !