L'histoire :
Jeune écrivain dans les années 1960, Archibald Redmore est devenu célèbre dès son premier roman, qui fit un carton au box office. Tout le monde l’a lu, tout le monde l’a aimé et… tout le monde l’attend au tournant pour sa seconde œuvre. Autant dire que son agent est scrupuleux quant au manuscrit du recueil de nouvelles qu’Archibald lui propose. Or, il se trouve que les textes rédigés par Archibald, réunis sous le nom White was the devil, collent presque mot pour mot à l’œuvre d’un autre écrivain méconnu, Gabriel Slide, qui a signé, près d’un siècle et demi plus tôt, White Devil. Le travail d’Archibald est donc désormais impubliable, même si lui sait pertinemment qu’il n’a pas plagié. Ce mystère l’obsède tant, qu’il décide d’aller faire une petite visite sur l’île d’Harbor (perdue dans la mer du nord) ou l’écrivain a terminé sa vie en 1821. Tout en commençant un nouveau récit ambitieux de fantasy, il découvre donc une petite île en dehors du temps. Il profite aussi de l’accueil et de la visite faite par l’aimable master local (gouverneur), un dénommé Morgan Shepherd. Archibald est même invité à partager un déjeuner à sa table, où il fait connaissance de sa famille et notamment de sa ravissante fille Claire…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans ce cinquième opus, le mystère s’épaissit… ou plutôt un nouveau mystère vient s’agglutiner aux précédents. Le 4e épisode avait certes éclairé de nombreuses zones d’ombre, grâce aux explications en flashback de Shepherd… Pour compenser, cet épisode 5 restera donc très sibyllin au sujet de la logique ésotérique de ce bout de flèche de Nemrod (qui, rappelons-le, aurait jadis blessé Dieu). Afin de profiter pleinement du suspens, s’établissant cette fois autour d’un jeune écrivain des sixties enquêtant sur une île, il faut (presque) faire abstraction des précédentes énigmes (l’île qui surgit des flots, les tableaux de Vinci…). L’écrivain héros de cette séquence (presque) autonome, est quant à lui face à une problématique personnelle démentielle : il découvre que tout ce qu’il écrit au présent (des textes bel et bien issus de son imagination), un autre écrivain l’a écrit un siècle et demi avant lui. Et cela se fait en temps réel : un chapitre non terminé la veille se retrouve comme par enchantement imprimé dans les œuvres de Slide, une fois achevé le lendemain. Bien entendu, tout cela est lié à cette satanée flèche… Au dessin sur la quarantaine de planches de ce récit, Olivier Mangin montre un style réaliste de plus en plus admirable. Personnages et décors, cadrages et découpages sont en harmonie. Même l’inattendu passage fantasy, issu de l’imagination de Redmore, s’avère convaincant dans son registre. Quelques pages dans la station orbitale, toujours signées Griffo, font à peine avancer l’intrigue de ce côté… « Le moment de vérité approche », avance l’un des personnages. Mais bon sang de bon sang, qu’il est long à approcher ! On aimerait savoir, maintenant ! Décidemment, en matière de mécanique fantastique, Laurent-Frédéric Bollée sait y faire pour houspiller la curiosité du lecteur…