L'histoire :
Après avoir fui son pays, l’Arménie, en proie à l’épuration ethnique, le jeune Missak Zacharian arrive en août 1918 à Ellis Island. C’est par cette île, au large de New York, que transitent tous les immigrés. L’office de l’immigration est sévère et n’accorde l’entrée aux ressortissants que sous réserve de bien parler anglais et de ne pas être porteur de maladie. Notamment l’agent Collins, membre du KKK, accepte mal le débarquement de tous ces métèques sur le sol de son pays. Missak parle certes 4 langues, mais il écope d’une fiche de mise en quarantaine. Ce genre de contrariété a sur lui de terribles effets. Missak est hanté par le choc traumatique du massacre de son peuple par l’armée ottomane. Il a sans cesse des images horribles qui lui reviennent en mémoire. Il est prêt à tout pour rester aux USA et ne surtout pas être renvoyé en Turquie. Pressé d’en finir, il échange bassement sa fiche avec celle d’un compatriote et se retrouve ainsi plus rapidement accueilli par sa famille. Mais Missak est taiseux. Il ne parvient pas à avouer à ses grands-parents que les autres, ceux qui sont restés là-bas, sont certainement tous morts massacrés. Il accepte mal l’autorité de l’école qu’on l’oblige à fréquenter et se met à côtoyer en cachette des jeunes de la pègre…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce nouveau diptyque des Fleury-Nadal s’inscrit au sein de la vaste saga le Décalogue, managée par Frank Giroud. Le récit prend pour contexte historique l’hiver 1918-1919 : on fête la fin de la première guerre mondiale, l’expansion économique va permettre l’âge d’or de la mafia, qui se prépare à prospérer grâce à la prohibition. En lien avec ce décorum de fond parfaitement mis en dessin, cette fois, par un Gilles Mezzomo en forme, Giroud revient ici sur l’intégration à la vie américaine du jeune Missak, le frère d’Anahide. Celle-ci faisait l’objet du précédent opus en one-shot (Les Fleury-Nadal T4) qui éclairait déjà, de sensible manière, le génocide arménien par les turques. Les évènements ici relatés s’intercalent aussi entre la page 9 et la page 10 du tome 5 du Décalogue originel, c’est-à-dire entre la séparation de Missak avec les siens en 1915, lors de la grande transhumance forcée arménienne, et sa froide vengeance dans le Berlin des années 20. Ce diptyque apporte donc l’éclairage manquant sur le destin sulfureux du jeune homme, qui fraye avec les voyous et dupe son monde. Le génocide est certes une circonstance atténuante de ce comportement, mais sur ce sujet, tout semblait avoir déjà été dit au précédent tome. En insistant, Giroud tourne un peu en rond… et il peut faire longtemps durer le plaisir, focalisant par-ci par-là sur des bribes de secrets familiaux liés à l’Histoire. Néanmoins, sa saga s’étoffe, fait globalement sens, et l’intrigue est agréablement menée… on ne va pas bouder notre plaisir !