L'histoire :
À St Pierre de la Martinique, en 1848, Pory-Papy devient conseiller municipal, chargé de la sécurité, au côté du maire qui milite contre l’esclavage. Quant à Eliza, enceinte de Papy, elle a repris les rênes de l’exploitation familiale de canne-à-sucre, après la mort de son frère Charlot. Son objectif : commercialiser du rhum, grâce aux compétences en distillerie de son père. Mais son grand-père, toujours ennemi des idées de la nouvelle république, voit d’un très mauvais œil l’émancipation prochaine de « ses » esclaves. Et pourtant, un vent de liberté déferle déjà sur l’île, alors qu’Eliza accouche d’une petite Charlotte, trop métissée au goût de son cousin et mari Paul Assier de Montferrier, dont la raison vacille en même temps que grandit son désir de vengeance à l’encontre de cette femme qui l’a trahi. Il la menace alors de tuer sa fille, puis de s’occuper d’elle-même. C’est dans cette ambiance surchauffée que tout un peuple d’esclaves attend le décret d’émancipation, devant arriver par bateau de Métropole. Les colons, le vieux Huc à leur tête, s’arment alors pour mater la révolte qui gronde, à un contre cent. Les émeutes et les exactions contre les anciens maîtres se répandent sur toute l’île, alors que d’Assier envoie des tueurs à Morne Folie, qui incendient la distillerie. Eliza en réchappe, mais le vieux Louis meurt en la protégeant. Alors, pour protéger sa fille, Eliza la confie à Julius, son premier amour, afin qu’il la tienne à l’écart d’elle. A St Pierre, la situation empire et les blancs sont contraints d’évacuer la ville, face aux émeutiers. Papy conseille alors au gouverneur d’abolir sans plus attendre l’esclavage, afin de calmer les esprits…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour ce dernier tome des Maîtres des îles, l’histoire de Eliza Huc se confond toujours un peu plus avec celle de la grande Histoire, en l’occurrence, celle de la 3e Révolution française. Le point culminant se centre sur l’abolition définitive de l’esclavage dans les colonies. Nous retrouvons donc, sans guère de surprise, tous nos protagonistes. En tête, enceinte jusqu’au cou, Eliza défend avec ardeur ses convictions humanistes. Autour d’elles, les « gentils », qu’ils soient noirs ou blancs, comme son père aveugle ou le maire progressiste, doivent faire face aux « affreux » nostalgiques de l’ancien régime, emmenés par le propre grand-père d’Eliza et son mari, trahi dans sa chair par sa cousine de femme. Cette dernière, qui n’aspire qu’à la liberté pour tous et à la tranquillité, se place donc très en avance sur son temps. Mais elle doit faire face à l’Histoire qui s’accélère en cette fin de XIXème siècle. Si l’on retrouve toujours avec plaisir les dessins simples et agréables, et les couleurs ensoleillés de la Martinique, sous les crayons et la gouache de Gilles Mezzomo et Céline Labriet, un peu de lassitude peut se faire sentir quant au scénario. Tout étant en place depuis le premier opus, avec notre héroïne rebelle qui lutte pour la bonne cause face aux idées dépassées d’un autre temps. Mais aurait-elle eu les mêmes idées 100 ans auparavant ? De même, le début et la fin de l’histoire nous laissent sur notre faim, avec une Eliza vieillie, randonnant dans la campagne de Pau, au début du XXème siècle, et se remémorant le souvenir de la pluie de cendres de la Montagne Pelée, en 1851. Quel événement déclencheur l’a conduite à revenir finir ses jours en métropole ? Qu’est-il donc advenu de sa famille ? De sa fille ? De ses amours ? À chacun de se poser les bonnes questions avec, en léger doute, que l’éruption de 1902 a causé la disparition de tout son ancien monde.
