L'histoire :
Floréal Linman, petit-fils du fondateur du journal Vox Populi, est en conflit permanent avec la direction du journal, totalement soumise au pouvoir politique. Le journal relaie en effet les campagnes du pouvoir totalitaire, qui s'appuie sur le vote électronique universel pour faire passer des lois de contrôle absolu sur la population. Les articles critiques de Linman sont systématiquement censurés, son directeur le tient soigneusement à l'écart de toute publication, et il exerce sur lui une surveillance permanente. Pendant ce temps, Lynn cherche à savoir ce qui est arrivé à son mari, un spatio-recycleur parti quelques semaines plus tôt en mission dans l'espace, pour le compte d'une société qui gère les déchets produits sur Terre. Lorsqu'ils se croisent dans la salle d'attente d'une administration, Floréal devine que la jeune femme est déboussolée et lui propose son aide. Grâce à la position de sa sœur Lauren au sein d'un ministère, Lynn obtient des informations sur ce qui est arrivé à la mission de son mari. Elle comprend que la raison d'état fait régner le black-out sur un secret inavouable. Elle décide alors d'accepter l'aide de Linman, et se lance dans une enquête. Pendant ce temps, un mystérieux livre est découvert par les services de sécurité dans le courrier du Chef de l'Etat, qui évoque un mystérieux Métronome qui aurait la capacité d'arrêter le temps. La police d'état se lance à la recherche de l'auteur de ce livre, dont le contenu métaphorique enfreint les lois sur la liberté de penser.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Couverture aguichante et bande annonce sur le net… ce début de série a tout pour attirer le lecteur avide de SF. Avec en plus la bénédiction d'Enki Bilal en préface, on se dit qu'on tient l'un des hits du 9e art millésime 2010. Eh bien il est encore un peu tôt pour le dire. Sur le plan de l'atmosphère et de l'imagerie futuriste, tout y est : les monorails qui traversent la ville, les paysages urbains à plusieurs niveaux, la police omniprésente dans le quotidien des citoyens. Le dessinateur Grun, dont le trait est très proche de celui d'Olivier Grenson (Niklos Koda) réussit un univers d'une belle cohérence. En son sein évoluent des personnages un peu raides, néanmoins avec naturel. Tout cela semble crédible, la fluidité des premières pages de l'album constituant même un exemple parfait de lisibilité : on y voit Lynn rejoindre son lieu de rendez-vous, tandis que perdue dans ses pensées, elle déroule l'essentiel du contexte oppressant de la série. Une démonstration de maîtrise narrative. En revanche, pour le reste de l'album, on aurait aimé qu’Eric Corbeyran prenne le temps d’approfondir la description de la société surveillée au cœur du récit, et évite les scènes rapides (ex : le diner-engueulade peu crédible, chez la sœur de Lynn ; ou le déroulement de la première scène entre les deux sœurs). L'univers conçu par le scénariste est assez fort pour qu'il ne se sente pas obligé d'installer des situations plutôt incohérentes (faites le calcul de la queue interminable au guichet des contraventions en page 24, et vous verrez qu'elle ne peut durer toute la nuit). Un peu plus de vigilance, donc, et des dialogues plus travaillés, donneraient plus de densité à cette série naissante. Au final, alors que souvent les jeunes dessinateurs sont heureux d'êtres partenaires du prolifique Eric Corbeyran, ici c'est Grun qui porte ce premier épisode et retient l'attention du lecteur. Et c'est la puissance visuelle de son univers oppressant qui nous fera revenir pour le tome 2.