L'histoire :
En 1916, en pleine première guerre mondiale, la hautaine baronne de Pomfrougnac dérange son beau-frère le général Pichard dans son bureau, tandis qu’il joue avec ses soldats de plomb. Contre un odieux chantage à la photo compromettante, elle exige de lui qu’il l’aide à trouver un « certain » soldat, qui servira d’emblème et de grand gagnant pour son concours de Marraines de guerre, dont elle est présidente. Pour faire ce choix mystique, elle a recourt aux services d’une voyante, Mme Zaza. Avec son pendule, au prix d’un effort spirituel intense, Mme Zaza définit le grand gagnant dans les registres de Pichart : ce sera le soldat de 2ème classe Antoine Carapat. Ne reste plus qu’à aller le chercher sur le front de la Grande Guerre. Et comme la baronne et sa voyante entendent bien faire bonne figure sur la photo, elles accompagneront le groupe qui ira chercher le soldat Carapat. Pour ce périple à haut risque, elles seront escortées par le sous-lieutenant Trouffon et le colosse Shranel, une tête brûlée qui a le cuir tanné, rafistolé de partout. Mais aussi par Louise, secrétaire tête de turc de la baronne, et néanmoins féministe convaincue. Cette équipe hétéroclite part de la gare de l’Est, pour un train de nuit. Or alors que le jour ne s’est pas encore levé, le train fait halte en rase campagne. Interdiction d’aller plus loin, et de s’approcher à moins de 30km du front, rapport aux assurances. Il va falloir poursuivre à pieds…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour inaugurer la nouvelle collection RamDam de Jungle, Va-t’en-guerre se présente comme un road trip rocambolesque à travers les paysages français tourmentés par la Première guerre mondiale, une sorte de quête foutraque d’un groupe de héros hétéroclites, qui tourne en dérision le patriotisme et ses apparats. Un sous-lieutenant couillon, un colosse trompe-la-mort, un général orgueilleux, une voyante extravagante, une baronne hautaine et une héroïne féministes traversent en effet les combats et vont d’étape inattendue en escale décalée, à la recherche d’un soldat symbolique inconnu, mais ni anonyme, ni mort. Autour de cet objectif insolite, se greffent moult péripéties, qui abordent en vrac la question du féminisme, de la représentation de la guerre dans la fiction, des symboles nationaux, des combattants étrangers, de la vanité belliqueuse, de la lâcheté ordinaire des hauts-gradés, de la chair à canon du petit peuple… En dépit de toutes ces questions graves et sensées sur un tel sujet, les auteurs ponctuent leur aventure de dialogues rigolards et légers, de débats et de parenthèses superfétatoires (donc essentielles ?). Ils évitent surtout majoritairement de piocher dans l’imagerie attendue et évidente sur la Première Guerre. Ainsi leur périple les emmène participer à une fête orgiaque avec une troupe de théâtre ou à perturber le tournage d’un film. Les situations sont régulièrement délirantes et incongrues, dans un prisme tantôt surréaliste, tantôt kafkaïen. Or ce qui allège le propos contribue aussi à le délayer. On peine en effet à déterminer précisément le périmètre du propos pacifique, un peu bordélique, qu’a voulu éclairer Aurélien Ducoudray, sur un dessin encré bien noir, stylisé et dynamique, de Marion Mousse.