L'histoire :
Le berceau du Bodhisattva : Jonathan vit chichement de la vente de fruits sur les marchés de Leh, au Tibet, avec l’aide de la petite Drolma. Par hasard, son ancienne infirmière Nancy vient à passer par là et lui propose de devenir guide pour une expédition de la Croix Rouge, à la frontière avec la Chine. Malgré les dangers liés à la situation politique, Jonathan accepte. Il ignore alors que sous couvert d’une mission humanitaire, les occidentaux qu’il accompagne ont pour but de tuer le dalaï-lama…
L’espace bleu entre les nuages : Après avoir déposé Drolma à une école de Srinagar, capitale du Cachemire, pour qu’elle y apprenne à lire et à écrire, Jonathan déniche un vague job de vendeur ambulant. Pour atteindre certains villages escarpés et reculés, il est amené à transbahuter sur son dos tout un tas d’horreurs. Il se perd un jour sous la pluie et tombe nez à nez avec un vieux colonel de la marine britannique, le colonel Westmacott. Avec déférence, celui-ci l’invite à se réchauffer chez lui… et Jonathan découvre avec stupeur un improbable et luxueux manoir, solitaire et perchés sur les hauteurs du Népal. Mais il n’est pas au bout de ses surprises…
Douniacha, il y a longtemps : Alors qu’elle est en excursion avec Jonathan aux abords de la frontière chinoise, Drolma fait un rêve prémonitoire. Le lendemain, suivant son intuition, elle demande à son compagnon de pénétrer en Chine. Jonathan et Drolma se retrouvent alors coincés dans un village occupé par des militaires. Recueillis et cachés par des villageois, ils font connaissance avec un russe, Karamazov, lui aussi en planque. C’est l’homme qu’il fallait aider dans le rêve de Drolma ! Karamazov est faible et fiévreux. Il délire pendant plusieurs jours, avant que les trois nouveaux amis puissent tenter de quitter le village, bêtement, par la route, sans se faire prendre…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les tomes 4-5-6 réunis dans ce second recueil de l’intégrale Jonathan sont chronologiquement les premiers que Cosey a écrit après avoir (enfin) fait un voyage sur les lieux d’aventure de son héros : le Tibet. Cela s’en ressent sensiblement, accordant encore plus crédibilité au contexte humain et aux paysages traversés. A ce stade de la série, son dessin a acquis une maturité graphique qu’il ne quittera plus. Ce qui dénote surtout avec le commun du 9e art, est ce découpage si particulier et propre à l’œuvre de l’artiste suisse : cases verticales, bords courbés, parfois enluminés… (ex : le cartouche du titre). Une large place est faite aux paysages montagneux, enneigés, mais aussi aux rares protagonistes rencontrés par ce héros en marge. Les traits burinés des tibétains se complètent d’une étude sociologique hyper réaliste : ce peuple opprimé est pourvu d’une conscience collective apaisée, « sage », largement liée au bouddhisme. Cosey parvient d’ailleurs à communiquer en douceur les préceptes de cette religion-philosophie (notamment avec la course pour empêcher le meurtre du Dalaï-Lama : ce qui doit se produire se produira). De même, le développement des aventures de Jonathan parvient à trouver le juste rythme, à la fois palpitant sans être frénétique. Car Cosey parvient à mêler sans heurt les contingences géopolitiques à haute tension (à deux reprises, Jonathan se fait piéger du mauvais côté de la frontière cino-tibétaine), les expériences insolites (la demeure et la personnalité du colonel anglais) et mystique (le rêve prémonitoire, le chauffeur fantôme). Dans les années 80, un talent se libère, révélant petit à petit une série qui est un modèle d’équilibre, de plénitude, d’humanisme…