L'histoire :
Dotée d’une taille mannequin et d’une silhouette gracieuse, Apolline se rend à son travail à pied. Dans la rue, un type l’interpelle pour la taxer d’une cigarette… comme elle refuse, elle se fait traiter de sale pute. Au boulot, son boss lui demande de mettre un décolleté et une mini-jupe lors de la réunion prochaine avec un client, afin de favoriser le deal… Elle fulmine car c’est elle qui a préparé tout le fond du dossier. Et comme elle s’énerve de cette injustice, son collègue lui demande si elle a ses règles. Chez ses parents, sa mère n’attend qu’une chose : qu’elle garde la ligne afin de séduire un homme qui lui fasse des petits-enfants. Bref, Apolline n’en peut plus de ce sexisme ambiant. La nuit, elle consulte sur tablette web des articles qui parlent des Femen, un mouvement féministe venu d’Ukraine. Leurs militantes manifestent avec les seins nus pour protester contre les phallocrates et les religions archaïques. Le lendemain, elle leur envoie un mail pour participer à une réunion. Elle n’est pas sûre à 100% de sa démarche, mais elle a bien envie de se battre pour changer le statut des femmes…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ça commence pourtant assez mal : en guise de présentation de son personnage central d’Apolline, l’éclectique Michel Dufranne enfile comme des perles tous les poncifs sur le machisme ordinaire et son corolaire, le féminisme réac’. L’un est aussi agaçant que l’autre, et cette entrée en matière caricaturale ne permet pas de s’attacher immédiatement au parcours militant de l’héroïne. Il semble néanmoins que ce soit nécessaire pour comprendre ce qui pousse une femme à rejoindre le mouvement des Femen, justement né de cet agacement à travers les générations. Rappelons-en les grands principes : des femmes manifestent soudainement et virulemment sur la voie publique, des slogans peints sur leur poitrine dénudée, pour dénoncer la dictature patriarcale, la religion et l’industrie du sexe. Beaucoup ne comprennent pas l’expression militante de la nudité. Et pourtant, ce mouvement interpelle et fait bouger les lignes. Dufranne explique en préface que sa BD n’est nullement une biographie : Apolline n’existe pas, elle est une pure fiction, amalgame de multiples rencontres et témoignages avec des Femen. Elle permet de synthétiser un parcours militant type, d’en comprendre les motivations et les risques, sans jamais prendre parti ni donner de leçons. En ce sens, ce « journal » parfaitement réussi apporte une pierre vulgarisatrice utile à un débat on ne peut plus actuel. Le dessin « manga girly » de Séverine Lefebvre supporte cette partition sociétale dans un registre « pop-trash » approprié, sur 122 planches essentiellement composées des visages des protagonistes en gros-plan, rehaussés d’aplats de couleur délavées et modernes.