L'histoire :
Paul Rivest n'habite plus à Melvile, où il a passé les étés de son enfance. Il doit y revenir, en coup de vent espère-t-il, pour régler le testament de sa grand-mère. Mais le notaire lui demande de rester deux jours, le temps de régler à la fois la vente de l'ancienne maison, et un aspect de l'héritage auquel il ne s'attendait pas. Il est en effet l'héritier inattendu du terrain sur lequel se situaient les anciennes scieries qui ont fait la fortune de la ville. Sa grand-mère figurait sur le testament d'Emmanuel Tréjean, leur propriétaire, des décennies plus tôt. Une surprise totale qui va demander un peu plus de travail, Paul va donc chercher un logement pour quelques jours. Il ne voulait plus revenir dans cette ville dont il garde le souvenir d'un terrible incendie vingt-cinq ans plus tôt. Comme tous les étés de son adolescence, il passait deux mois chez sa grand-mère. Et cette année-là, il avait fait la connaissance, avec son copain Thomas, de Ruth Jacob, la fille du pasteur. Une jeune fille très belle, mystérieuse et tellement différente des autres adolescentes de la ville. Les deux garçons vont s'inscrire aux cours de théâtre pour tenter d'attirer son attention, et ils vont devenir amis. La jeune fille va tarder à exprimer sa préférence pour l'un des deux, mais tout cela fait partie des souvenirs du passé. Avec le barrage en construction, Melvile vit ses dernières heures, tout doit être vendu, pas facile de trouver une chambre où dormir. Il est finalement accueilli chez Beth, une femme de son âge, dont le fils adoptif est policier. Les conversations vont tourner autour de l'histoire de la ville. Paul va petit à petit s'approcher d'une insupportable vérité...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec Ruth Jacob, c'est le troisième personnage de Melvile que nous rencontrons, toujours sur la même petite période de temps. Une jeune fille très séduisante qui fait tourner la tête de Paul, et dont il se souvient encore. Cette fois-ci, c'est plus de 400 pages que nous offre Romain Renard, pour plonger dans une série de révélations qui ferment le ban du triptyque. Pourtant, ce livre pourrait se lire en premier, même si sa densité est exceptionnelle. L'auteur explique dans une interview comment l'Homme qui Marche de Jiro Tanigushi a constitué une transition majeure dans la narration en BD, en décrivant non pas l'action mais l'instant. C'est une évidence quand on enchaine, comme ici, des dizaines de pages pour créer une atmosphère, plonger avec le personnage dans des réflexions ou des sentiments. On est loin des standards du franco-belge traditionnel, dans un tempo graphique qui emprunte à toutes les techniques pour raconter une histoire. C'est très immersif, d'autant que la technique de Renard est indéfinissable, passant d'un trait de crayon assez visible à des visages presque photo-réalistes, et avec des couches de couleurs aux textures étonnantes, seulement permises par la colorisation informatique. Mais tous ces aspects techniques disparaissent sous la force du polar, et de l'expérience personnelle vécue par Paul. Avec, en trame de fond, cette ville qui va cesser d'exister lorsque toutes les maisons disparaitront sous les eaux du barrage en construction. Tout se conjugue pour que les échanges entre les personnages prennent la tournure d'une dernière chance, d'un moment ultime, propice à l'éclosion de la vérité. Une réalisation brillante sur une histoire très forte, qui ferait une trame parfaite pour une série Netflix®. Il reste un quatrième tome à paraître, qui racontera les chroniques écrites par Thomas Beauclair, personnage évoqué dans le premier tome de la série.