L'histoire :
Une nuit, la ville-qui-parle-au-ciel, il y a longtemps. Une jeune femme crie dans la nuit. Elle appelle : « Yozeru, où es-tu ?! ». Le serviteur dévoué se hâte, lanterne à la main, et gagne les combles où la souffrante est en couche. Le travail a déjà commencé mais le bébé se présente mal. Il faudra ouvrir la mère pour espérer sauver l’enfant. Myobu, la jeune femme, y consent. Car après tout, c’est pour cet enfant qu’elle a tant souffert. Le shogun Totecu ne viendra plus, il l’a abandonnée (…). Alors que Yozeru s’empare d’une lame pour « opérer », la jeune femme entame une étrange histoire. Une histoire d’il y a longtemps, porteuse d’espoir. Un jour donc, il y a longtemps, un petit garçon et son louveteau avançaient péniblement dans la neige et le froid de la forêt de glace. Comme l’animal s’éteignait, le garçon se mutila et lui offrit son œil gauche afin de le rassasier. Tapi dans l’ombre, un loup noir observait la scène. Le lendemain, l’enfant fut secouru par des villageois. Son loup avait disparu. On raconte qu’on l’aurait vu s’éloigner aux côtés d’un grand loup noir auquel il manquait un œil. L’enfant, lui, était sauf. Son œil gauche seul, brillait d’une lueur différente. Sur ses mots, Myobu s’éteignit, sa tache accomplie : une fille était née…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Quelqu’un a dit : « les Japonais sont un peuple fascinant qui, dès leur réveil, se consacrent entièrement à la perfection de ce qu’ils réalisent (…) ». Il faut croire que, bien que Romain de naissance, Saverio Tenuta partage avec ce trait de caractère. La ville-qui-parle-au-ciel, premier volume de la série, impressionnait déjà par ses qualités graphiques ; ce second vous laisse pantois ! Construit à la manière d’une pièce de théâtre, en trois actes, Comme feuilles au vent puise allègrement dans l’imaginaire et l’univers onirique du Japon médiéval. La fable contée se révèle poétique et cruelle à la fois, les personnages bien campés et l’intrigue pensée intelligemment. Les questions soulevées trouvent des réponses « carrées » (comprenez « raccords »), tout en laissant une ouverture manuscrite sur laquelle rebondir. Les deux premiers albums de la Légende des nuées écarlates forment, de fait, un diptyque autour de la mémoire perdue de Raido, le ronin amnésique donc. Un diptyque "de fait" qui installe la série parmi les références du genre. Ce n’est pourtant pas son scénario qui fait des Nuées un titre d’exception. Non, les Nuées sont avant tout une aventure graphique hallucinante ! Le dessin du professeur à l’académie des Beaux-Arts de Rome, remarquable de rigueur et de raffinement, offre des planches toutes plus belles les unes que les autres. Précision du détail, légèreté de trait, virtuosité évidente tout simplement. Le traitement des couleurs n’est pas en reste. Les blancs, les rouges et ocres, les noirs encrés (…), le mariage de la plume et du pinceau fait merveille ! On pense à l’art de la calligraphie orientale, à celui de l’estampe. On mesure, au regard du manga N/B, notre chance et la plus-value du format proposé. Après avoir remercié ceux y ayant contribué, Saverio Tenuta conclue en postface : Puisse le lecteur apprécier « le soin et la passion » témoignés. Il faudrait être aveugle pour passer à côté !!! Deux ans ont été nécessaires pour que renaissent les Nuées : si tel est le prix de l’excellence…