L'histoire :
A la mort du noble Fudo, la folie semble s’être emparée de la Shogunai Ryin Fujiwara. Le pouvoir vacant, c’est le général Kawakami qui a pris les choses en mains. Il entend mâter la révolte montante du Yama Ikki – une alliance de rebelles, membres du Shugendo, organisation regroupant les pratiquants d’une magie traditionnelle japonaise – ayant à sa tête la vieille Jera Isegawa. En résumé, sur la toile de ce tableau, le pinceau se perd en esquisses de sang (…). Pendant ce temps, Raido Caym, le rônin amnésique, recherche la jeune Meiki qu’il sait (et espère) vivante, quelque part peut-être, prisonnière de la forêt de glace. La tâche est ardue mais, aidé par Izuma, le loup blanc, Raido revient sur des lieux familiers. Sans s’y attendre, sa quête va conduire Raido à affronter les fantômes de son passé. La mort (l’assassinat) de son père, son enfance volée par le seigneur Fujiwara qui fit de lui son fils, la perte de Myobu (la mère que Meiki n’a jamais connue) laissée croupissante au fond d’un puits afin d’échapper à l’ennemi, son combat contre le loup noir Wunjo, etc. L’ensemble du tableau (via notamment ces souvenirs) reparaît peu à peu et tout se tient…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La bande dessinée (franco-belge) offre actuellement deux grandes séries grand public ayant pour cadre le Japon fantastique et médiéval : Okko de Hub-sama aux éditions Delcourt et la présente, signée Saverio Tenuta. A la première, cette seconde ajoute à la dextérité graphique hors norme une « cruauté » supplémentaire – au sens littéral tout autant que moral du terme. Bénéficiant d’un trait à la finesse rare, doublé d’une mise en couleur bluffante, balançant entre blancs et rouges, La Légende de Nuées écarlates impressionne. Mieux, elle subjugue ! Le succès (mérité) au rendez-vous, Tenuta débute avec Le trait parfait – analogie troublante de son art – un second diptyque, quand trois albums étaient originellement prévus au départ. Rien n’interdit donc d’espérer plus… (?) La mise en place est quasi-parfaite (attention, il est facile de se perdre dans les termes exotiques rencontrés), l’auteur revient sur le passé volé de son héros amnésique. Le chaos régnant dans le shogunat depuis la disparition du terrible Fudo, Raido prend le temps d’affronter les fantômes de son existence, confrontant lieux, personnages et souvenirs (douloureux) avec sa réalité de bretteur manchot et borgne. L’ambiance conserve un ton théâtral et poétique, la narration étant bâtie sur une métaphore, celle de l’exécution (douloureuse encore) d’une estampe. Chemin faisant, le récit gagne en profondeur. Si le destin tire les ficelles d’une trame écrite, l’Homme reste seul responsable de son accomplissement, et c’est pourquoi il se doit de tendre à la perfection de ses actes… Une perspective éminemment nippone, servie par un latin qui a tout compris du 9e art – ou du moins l’essentiel. Cinglant ! Et à suivre !