L'histoire :
Avec la technologie Alter Eo, nom du récit de Xavier Dorison, Morissone et Stéphane Servain, vous pouvez changer de corps facilement et passer de bons moments. Raymond, un vieil homme, après avoir acheté une robe à une dame croisée dans le métro, rend visite à un beau gosse qui va lui louer son corps pour la soirée. Ce dernier va le suivre sur les réseaux, afin de faire le buzz, pensant que Raymond va user de son corps de dragueur afin de faire des conquêtes à l’hôpital où il travaille en tant qu’interne. Mais Raymond passe enlever sa femme en phase terminale, et la transporte à la campagne, pour lui offrir une mort digne. Dans Le Vétéran, de Fred Duval et Elvire de Cock, un homme, vétéran de guerres spatiales, revient sur Terre dans une région désertique, après cinq ans de batailles. Sur son chemin, il croise beaucoup de créatures extraterrestres, dans le bus, ou dans des maisons alentours. Prenant son travail à l’astroport qu’il avait quitté quelques années plus tôt, il s’interroge sur l’aspect de ses nouveaux chefs, extraterrestres eux aussi. Koren Shadmi, dans Détox, nous conte la soirée drague d’Eva, une belle jeune femme vivant en ayant décidé de débrancher son assistant personnel numérique « Angl ». Même si sa meilleure copine trouve ça limite, elle lui souhaite bonne chance. Dans le bar où elle retrouve Guy, son RDV, elle passe une bonne soirée et tous deux vont terminer à l’hôtel, pour une nuit hot. Mais au moment fatidique, Eva s’aperçoit qu’un homme assis au fond de la chambre les espionne. Il s’agit de l’assistant numérique de Guy, qui n’est en fait pas là, l’autre « lui » étant aussi un assistant. Tous deux retransmettant en direct l’aventure à leur propriétaire. Si seulement Eva avait gardé son propre gadget, elle n’en serait pas arrivée là...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Chaque nouveau numéro de la revue désormais culte développe un thème et celui-ci en vaut un autre. L’omniprésence de l'assistant personnel dans les scénarios proposés ne surprend pas, mais pose question quant à la consultation de chaque auteur pour l'élaboration du sommaire. Car si la majorité des histoires surfe sur cette idée, lorsque ce n'est pas l'alter ego, d'autres récits manquent un peu leur but, et l’on frise aussi la sensation d'un bis repetita parfois. Il est clair qu'il n'est pas aisé de débusquer de nouveaux jeunes talents pour remplir un numéro, nous ayant habitué à tellement haut, en termes de rendu. Néanmoins, des histoires arrivant à tirer leur épingle du jeu émergent, comme c'est le cas pour les trois premières résumées, mais aussi La Terre est une prison, de Swann Meralli et Caloucalou, abordant le forage des ressources à tout prix, L’Enfant intérieur d’Etienne Apert, sur l’addiction à une nouvelle technologie neurobiokarmique ; Doc-Trin 146, par Thomas Ferroul, abordant l’importance de doctrines pour sans doute survivre à un monde en déliquescence, Je n’aime que toi d’Alice Geslin et Luca Albanese, bien flippant. Ou bien encore l’Utérus de Dieu, par Facundo Nehuen Lopez, abordant l’éventualité de créer artificiellement de nouveaux dieux. Florian Brueil, évoquant quant à lui la problématique de l’identité reconstruite, posant problème dans Sarrebourg. Au delà, et en passant rapidement sur d’autres histoires intéressantes et belles (l’Extase du révérend Cole, de Pierre Lauté et ADC, Les sabots de venus de Matéo Lavina et Florian Genthial, Nimrod de Fafner, graphiquement sublime), mais un peu moins saisies de la thématique, la partie éditoriale surprend toujours, avec de bons papiers, dont celui sur Sébastien Vanicek, réalisateur entre autres du film d'horreur Vermines, l'entretien avec Tsutomu Nihei, auteur du manga Tower Dungeon, l'article sur le studio d'animation français Fortiche, créateur de la série Arcane ; un entretien fleuve et rare avec Michael E.Uslan, septuagénaire ayant été à l'origine du plus grand bouleversement cinématographique en 1989, avec la production du premier Batman noir de Tim Burton. Son témoignage sur le monde des comics depuis les années 60 est passionnant, tout comme sont riches les propos de Michael Pangeazio, au sujet de ses Matte Paintings, réalisés entre autres sur Star Wars, Indiana Jones, ou Willow. Une belle nouvelle de Brouette hurlante : l’Accident de chasse, illustrée par le grand Nicollet participe à conclure ce numéro, sans oublier LE cadeau de toute fin : un bon récit inédit de 17 pages de Jean Pierre Dionnet : Erreur 404, dont le dessin un peu seventies hachuré de Jor de Vos rappelle les débuts de Moebius. Presque le... paradis !