L'histoire :
1er janvier 1901 à Paris : le commissaire Ambroise Clé se promène dans la capitale enneigée et laisse son esprit vagabonder. Il est persuadé que le changement de siècle fait entrer le monde dans une nouvelle ère : l’ère du changement et du triomphe scientifique et rationnel. Il est loin d’imaginer qu’il va devoir résoudre l’énigme la plus improbable de sa carrière. Un homme, S. Atherton, vient lui rendre visite dans ses bureaux et lui annonce qu’il va apprendre le meurtre d’un homme dans un hôtel d’ici peu, meurtre opéré par un compas. En effet, l’inspecteur Darcheville accourt et annonce qu’un homme a été assassiné dans un hôtel à l’aide d’un… compas ! La victime a été lardée de coups de compas et l’arme est finalement plantée dans son œil. Tout de suite, le commissaire soupçonne Atherton, le mystérieux voyant qui a été capable d’anticiper cette mort affreuse. Cependant, l’interrogatoire du suspect réserve une autre surprise au commissaire : Atherton annonce que le meurtre va faire la Une du Figaro et décrit en détails ce qui sera écrit sur le journal. Le commissaire comprend qu’il entre dans une affaire hors normes…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Voici une intrigue policière peu banale. L’histoire est très surprenante et le lecteur découvre un univers unique. Ici, tout y est déstabilisant : l’énigme est totalement loufoque et bien malin qui trouvera la clef du mystère (même le commissaire Clé ne l’aura pas !). Le récit bascule petit à petit dans l’irrationnel, en dépit de personnages principaux cartésiens jusqu’au bout des ongles. Savant mélange de policier, d’énigme et de science-fiction à la Jules Verne ou à la H.G. Wells : une sorte de merveilleux scientifique imprégné de Sherlock Holmes. L’originalité vient également des dialogues : les conversations sont prétextes à créer des situations loufoques entre des personnages fantasques. L’absurde est constant dans cette œuvre et détruit toutes les normes, un peu comme si le réel se déformait progressivement devant une affaire irrationnelle. Les réflexions scientifiques du commissaire sont autant de tentatives désespérées de garder le cap de la réalité devant le paranormal. Le dessin est aussi un exotisme dans cet album : à l’image de cette ambivalence entre réel et surnaturel, le graphisme de Sylvain Dorange est original et créatif. Les visages sont à la fois géométriques et carrés (le rationnel), mais aussi déformés, à la limite du grotesque parfois, sans compter le découpage des cases qui décloisonne les planches (l’irrationnel). Le travail des couleurs est superbe, sans compter les décors : au gré des pas du commissaire, on reconnaît avec émerveillement quelques monuments de Paris. A l’image de toute l’œuvre, la fin déroute et ouvre de belles perspectives. Bref, cette œuvre fantasque et fantastique, où le policier côtoie le surnaturel et l’absurde, est unique.