L'histoire :
« C’est un truc de ouf. Comme tout change. Carrément. Ce gros délire incompréhensible qu’on appelle la vie. C’est un putain de truc de ouf. » Dans les années 90, à Auckland, celui que l’on nomme Baguette pour sa maigreur, est à l’âge où le monde apparaît on ne peut plus instable et obscure. Si sa veste en cuir cloutée, sa crête et ses anneaux à l’oreille gauche tentent d’ancrer des certitudes, ils ne pallient pas la versatilité ambiante. Même l’amitié n’est pas fiable : le groupe de quatre qu’il formait avec Tracy, Brian et « elle », celle qui a trahi, celle qui a abandonné, n’est plus. Alors mieux vaut ne croire en rien. Et s’attaquer à ceux qui voudraient nous faire croire le contraire. Le groupe de punks anarchistes, dirigé par Jugga, décide alors de poser une bombe chez Bobo, la veille de la soirée d’inauguration de son nouveau fast-food à Auckland. Si le plan est parfaitement établi, les heures précédant son exécution rappelleront elles aussi l’imprévisibilité de la vie.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Lorsque paraissent en Nouvelle Zélande, entre 1994 et 1997, sept volumes d’une mini-série intitulée Filth, le succès est immédiat. Les histoires du groupe punk rock d’adolescents empreints des pensées anarco-nihilistes touchent toute une génération. La huitième et dernière partie sera à l’origine de Dharma Punks, l’un des albums indépendants les plus célèbres de Nouvelle-Zélande. Ce premier tome se concentre sur les évènements liminaires à l’attentat que s’apprêtent à effectuer Baguette et ses partenaires de désespoir. Mais, et c’est là toute la force de ce livre, l’action semble secondaire, l’essentiel étant à chercher dans le regard posé sur une jeunesse en plein tumulte. Le temps, qui retrace les 24 heures avant l’action prévue, s’étire progressivement, comme happé par sa propre suspension. De visages en visages, les discussions à géométrie variable se succèdent, nous faisant pénétrer cette adolescence en quête de sens, de lois, de Dharma. Car l’instabilité et la vanité du monde à laquelle elle s’attaque, est également, ou surtout, le terrible reflet de ses gouffres intimes. S’ils cherchent réconfort dans la certitude du fatalisme, les membres du groupe se retrouvent pourtant systématiquement en déséquilibre : sur un pont, une poutre, une identité ou une émotion indécises. Le fil sur lequel Baguette, l’anarco-bouddhiste, fait glisser ses pas, oscillant d’influences en influences, est celui qui le sortirait de la souffrance. Celle de l’angoisse de la mort, du vide, de l’abandon, qu’il tente de résoudre tant dans le calme de la solitude, que dans l’intensité du risque pour lequel il éprouve une admiration inquiète. Le noir d’encre des vêtements, cheveux et maquillages de ces jeunes personnes en voie d’affirmation, ainsi que celui de la nuit qu’ils traversent, se révèle aussi rassurant que vertigineux. Vertige de ce qui ne se voit pas, de ce qui ne se discerne pas, de cet avenir imprévisible, et que ce premier tome laisse volontairement béant.