L'histoire :
En 1890, Idiss vit avec ses parents en Bessarabie (actuelle Moldavie, entre l’Ukraine et la Roumanie, au bord de la Mer Noire), alors province russe pauvre régie par l’empire des tsars. Son mari Schulim a du intégrer l’armée blanche, elle vit donc avec ses parents et ses deux enfants dans une petite isba, au sein d’un shtetel (bourgade juive). Ou plutôt, elle survit en vendant des napperons brodés au marché… Un jour, son ami Arcadi lui propose de participer à un marché noir plus fructueux : faire passer du tabac à travers la frontière avec la Roumanie. A chaque fois, elle aura une commission de dix roubles. Idiss culpabilise, mais accepte, car elle a terriblement besoin d’argent pour faire vivre sa famille. Le trafic dure quelques semaine, jusqu’à ce qu’elle soit convoquée par les gendarmes. Magnanimes, ces derniers comprennent la situation de cette brave fille d’Idiss… Ils acceptent qu’elle continue, mais elle devra se laisser arrêter une fois tous les 15 jours et passer une nuit en cellule. Ainsi, lui pourra prouver qu’il a des résultats et elle continue de gagner ses quelques roubles ! Puis un jour, après 5 ans d’absence, Schulim est de retour ! Idiss en pleure de joie. Ils font aussitôt un troisième enfant (enfin une fille !), et Schulim essaie de vivre en étant tailleur. Mais la vie reste d’autant plus difficile que Shulim joue aux cartes le peu d’argent qu’ils gagnent. Au tout début du XXème siècle, les journaux donnent des nouvelles vraiment alarmantes : les pogroms (massacres en masse de juifs) se multiplient dans ces contrées…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Personne ne connait Idiss, mais beaucoup connaissent son petit-fils : Robert Badinter. Le garde des sceaux de François Mitterrand, qui permit l’abolition de la peine de mort en 1981 grâce à un vibrant et célèbre plaidoyer, a tout d’abord raconté l’histoire de sa grand-mère d’origine juive ashkénaze dans un roman, un bel hommage mémoriel à son aïeule. Aujourd’hui, c’est son jeune collègue Richard Malka (l’avocat de Charlie) qui adapte la chose en bande dessinée, puisqu’il est également scénariste en 9ème art. Fred Bernard complète le casting au dessin, à l’aide de son trait stylisé en pattes de mouche, plutôt d’obédience enfantine. Ainsi l’histoire d’Idiss a tous les atours d’une histoire jeunesse – du style graphique au ton narratif – bien que l’histoire de cette mère-courage soit ponctuée de drames, à la mesure de ce que fit subit le début du XXème siècle aux juifs. Désœuvrés, Idiss et sa famille fuient les pogroms de Moldavie au début du XXème siècle, pour venir s’installer à Paris. Son mari devient tailleur dans le Marais, mais il meurt relativement jeune et la famille subit dès lors la montée du nazisme. Elle meurt durant la seconde guerre, alors que la majorité de sa descendance a dû fuir en zone libre pour échapper aux rafles. Cette histoire personnelle, belle et émouvante, remet en lumière les atrocités du début du XXème siècle envers les juifs. Un minimum de connaissances historiques et de notions sur l’antisémitisme réservent la lecture plutôt aux plus vieux des plus jeunes.